Je profite de chaque journée de congé pour passer du temps avec Jasmine. On visite la ville, même si on fait pratiquement que marcher parmi les différentes rues puisque je n’ai pas les moyens pour faire plein d’activités couteuses. Le déménagement m’a bouffé vraiment toutes mes économies. Je tente de les refaire en travaillant un max, mais ce n’est pas évident puisque je veux être présent pour ma fille aussi. Oui, Fidji m’aide beaucoup en la gardant, mais elle a sa vie aussi alors je ne veux pas trop lui en demander. Heureusement que j’ai réussi à trouver une garderie rapidement. Ça me permet d’aller travailler dans la journée sans demander à Fidji si tôt, même si elle me donne un gros coup de main pour le soir. Il faut vraiment que je trouve une gardienne pour le soir. Le seul problème, c’est que je ne sais pas si je vais réussir à payer et la garderie et la gardienne sans devoir travailler encore plus. Alors je stresse. Beaucoup. Je dors mal et très peu. Je résiste à ne pas fumer encore plus pour ne pas devoir augmenter mon budget cigarettes. Je dois faire peur, honnêtement, avec mes cernes et mon teint brouiller, mais je fais avec. Et en voyant ma fille si heureuse, je me rappelle pourquoi je fais tout ça. C’est pour elle. Pour qu’elle ait une belle vie. Qu’elle soit heureuse. Et que ma malchance ne l’atteigne pas.

C’est bien pour ça que je suis, malgré tout, heureux en regardant Jasmine jouer de l’autre côté de la couverture avec ses jouets. Elle semble si heureuse comme si tout était beau et qu’il n’y a aucun nuage noir dans la vie. Qu’est-ce que j’aimerais vivre dans le même monde qu’elle. Je me contente de la dessiner dans mon carnet de croquis en princesse. La créer dans le monde parfait dans lequel elle vie m’aide à me convaincre qu’elle est réellement heureuse. On vit peut-être dans un appartement à la limite du miteux où ma chambre se trouve à être le canapé lit du salon et je ne suis clairement pas un chevalier qui vient la secourir d’un méchant dragon, mais… elle semble aimer notre nouveau logis et m’aimer alors je m’en contente. Puis, elle adore les dessins que je fais d’elle en princesse. J’ai eu une idée folle il y a quelques mois où je créais un album jeunesse avec ces dessins, mais j’ai vite abandonné puisque je sais que je ne vais pas réussir.

Je suis absorbé dans mon dessin après avoir vue que ma fille venait de s’allonger avec sa peluche de tigre. Me disant qu’elle dort, je me plonge un peu plus dans mon dessin pour travailler les détails. Et surement trop puisque c’est le « papa » que ma fille cri qui me reconnecte au présent. Je lève les yeux sur la couverture et la panique grandit en moi alors qu’elle ne s’y trouve pas. Elle s’est levée ? Je ne l’ai pas entendu ! Elle est où ?! Quelle idée j’ai eu de ne pas plus la surveiller ! N’importe qui aurait pu la prendre, on est à Central Park ! Mais, ça ne semblait pas être un cri de peur. Tout ça se passe en un instant dans ma tête alors que je balaye l’horizon des yeux pour la retrouve. Debout, mes yeux se posent sur la chevelure brune de ma fille qui court vers un homme qui me ressemble comme deux gouttes d’eau. C’est mon jumeau ? C’est mon frère ? Alors c’était « si » simple de le retrouver ? C’est en voyant ma fille les bras tendus vers lui que je me réveille et parcours la distance qui nous sépare en quelques pas. Je prends aussitôt ma fille dans mes bras et remarque à peine son air confus tellement je suis moi-même confus.

- Je… Je… Je suis désolé, je l’ai perdu des yeux un instant…

Moi qui es à New-York pour le retrouver, je ne sais plus quoi dire maintenant que je suis face à lui. Parce que c’est clairement mon jumeau. J’ai l’impression de me voir dans un miroir. Il semble juste avoir eu la vie moins dur. Qu’est-ce qu’on dit à son jumeau qu’on n’a jamais connu lorsqu’on le retrouve ?

@Ayan Syed