« Brad, bouge ton cul tu vas être en retard. » Je grogne, parce que je suis à moitié réveillé. J’ai fait la fête hier soir et je suis rentré tard et c’est mon petit frère qui squatte chez moi qui me secoue. Pourquoi je lui ai parlé de ça moi ? Je fais comme si je n’avais rien entendu et je me mets la tête sous l’oreiller. Il est sept heure, c’est trop tôt pour me lever un jour ou je suis sensé être en vacances merde, surtout quand on est rentré à trois heure du matin pas mal bourré. « Braddy ! Secoue-toi merde ou je le dis aux parents que tu utilises leur fric pour boire de l’alcool et aller dans des clubs de striptease. » Je me relève, putain il fait chier à avoir toujours les bons mots et les bonnes menaces. Je devrais arrêter de boire, pas que je le fasse souvent cela dit. Je lui balance l’oreiller dans la tête et lui dit «  ça va j’y vais, tu me fais chier tu sais ? » Il me sourit et je vais dans la salle de bain me préparer.

S’il me pousse c’est que je lui ai raconté que je voulais faire de la danse et qu’il m’a trouvé une brochure d’une école qui propose des visites, une sorte d’immersion pour la journée. Pourquoi est-ce que je lui ai dit que j’irais ? Pourquoi je lui ai parlé de ça ? Il ne devrait même pas savoir, j’étais un peu pompette l’autre soir quand je lui en ai parlé. Je ne l’aurais pas fait en temps normal. Je n’aime pas vraiment parler de ça. Je n’ai pas envie que mes parents découvrent que j’aime danser, que c’est ce que je veux faire. Ils seraient dingue je crois, surtout mon père. Je m’habille tout de même pour aller à cette école. Julliard, non vraiment, je ne me vois pas tant là-bas, mais au fond peut-être que j’aimerai. Je prends un taxi et j’arrive devant l’école pile à l’heure, juste avant qu’ils ne commencent la visite. Il n’avait pas tort, j’ai failli être en retard. Je maudis mon frère intérieurement, même si au fond je l’adore.

Je me présente et rejoins le groupe. Je me sens un peu étranger face à eux, ils ont l’air pourtant d’être aussi « timide » que je le suis. Je ne dis pas grand-chose au départ et j’écoute surtout. Ça pourrait être vraiment chouette, en fait. On fait une pause vers midi, mais je n’ai pas trop faim et je décide de me balader un peu dans l’école, dans cette célèbre école finalement. Et si j’abandonnais le droit ? De toute façon je déteste ça. Non je ne peux pas faire ça, ma réputation en pâtirait, déjà qu’elle n’est pas brillante et j’essaie de la cacher à mes parents.

Enfin bref, je me suis retrouvé là, sur le milieu de la scène de danse, il n’y avait personne alors j’ai mis de la musique classique je j’aime bien et je me suis disons laissé emporter. Si je peux m’entraîner aussi, ça ne me fait pas de mal. Ça ne fait qu’un an que je prends vraiment des cours et que mon professeur particulier me tanne pour que je m’inscrive dans une vraie école qu’il me dit, mais je ne peux pas, alors pour une fois que je suis sur une vraie scène, j’en profite. Jusqu’à ce que j’entende quelque chose qui me fait arrêter de tournoyer, de sauter, bref de danser comme si j’étais dans ma bulle, seul au monde, caché de tous. Je m’arrête et me rend compte que je la connais. Je fronce les sourcils, prends mon téléphone et lui dit :

« Allegra Messina ? »

Pincez-moi je rêve, c’est vrai qu’elle m’avait dit qu’elle était à Julliard. Je ne penserais pas qu’elle serait là aujourd’hui. Je lui tends la main et me présente, mais je crois qu’elle a du me reconnaître :

« Brad Sanderson … on s’est parlé sur l’application de rencontre. »

Elle va croire que je la suis non ?

Pourquoi est-ce que je me sens si bien ici ? Là à danser comme si rien ne pouvait m’arrêter ? C’est ça à chaque fois que je danse. Il est indéniable que c’est une passion dévorante, qui le deviens de plus en plus. J’arrête la musique quand j’entends quelque chose dans la salle et je vois Allegra. Mince je lui ai dis en plus que je ne faisais pas de danse, maintenant elle va croire que je mens souvent. Je me pince la lèvre mais je vais la voir et son compliment me fait plaisir, parce qu’elle fait de la danse depuis plus longtemps que moi. Je lui fais un sourire. C’est bien elle et elle est aussi très jolie en vrai, elle l’était déjà sur les photos, mais en vrai c’est toujours mieux qu’une photo non ?

« Oui c’est moi. »

Je suis un peu gêné, parce qu’en effet je lui ai menti, je me mords la lèvre et la regarde. Je commence mal, on dit souvent que les menteurs ne sont que des beaux parleurs, je n’aime pas trop être comparé à ça, mais ce n’était qu’un petit mensonge pour protéger ce petit secret que je n’ai pas envie de dévoilé à ma famille, ni à mes amis, alors je lui explique :

« Ah oui … j’ai menti, j’admets. Je ne suis pas encore spécialement très à l’aise avec le fait de faire de la danse et surtout que j’adore ça. »

Je hausse les épaules, j’espère qu’elle ne m’en voudra pas trop mais je sens presque obligé de lui expliquer encore plus :

« Je t’ai parlé de mes parents … ils sont très … disons que si je leur parle de la danse … ils vont me dire que c’est un truc de fille et vont tout faire pour que j’arrête. Je ne leur ai jamais dis que je m’en fichais, femme, homme, le sport ça n’a pas de genre, un peu comme l’amour si tu veux, mais ça non plus je ne peux pas leur dire, ça tuerait mon père … »

Je viens de lui avouer que je suis pansexuel également, super première rencontre, mais je suis comme ça en général, je n’ai pas peur de ce que je suis, du mois devant mes amis et devant des inconnus, mais mes parents … c’est autre chose. Je ne voudrais pas qu’ils l’apprennent. Ils sont trop occupés pour se préoccuper de ce qu’on dit de moi. Quand il y a eu cette rumeur à la fac sur le professeur et moi, ils ont seulement demandé si c’était vrai et pourquoi on disait ça. J’ai bien évidement menti. Je leur ai dit que c’était des conneries, que quelqu’un voulait juste me faire chier parce qu’il ne me supportait pas qu’on s’était disputé et ils m’ont cru. Heureusement … s’ils savaient tout ce que je fais … ils ne s’en remettrait pas.

« Alors c’est ici que tu étudie … ça à l’air d’être une chouette école. C’est mon frère qui m’a poussé à venir faire cette journée et mon professeur de danse me tanne pour que je m’inscrive ici aussi. Ça en fait qu’un an que je fais de la danse, moderne et classique … et que personne ne sait, à part mon petit frère depuis peu … »

Il l’a su par hasard, parce que j’étais pompette et que quand je suis pompette je l’ouvre encore bien plus qu’en temps normal.

Je me sens un peu mal d’avoir été pris en flagrant délit de mensonge, mais je suis habitué et finalement ce n’est pas si mal que ça non ? J’ai pris l’habitude de mentir pour cacher réellement qui j’étais, pour plaire à mes parents, à d’autres personnes aussi, au final je ne sais plus vraiment qui je suis.

« Merci c’est gentil. Tu crois ? Je ne sais pas si je suis assez bon. »

Bien sur que je le suis, mon professeur de danse n’arrête pas de me dire que je suis bon, que je devrais penser à m’inscrire dans ce genre d’école. Il voudrait que je fasse ce qu’il n’a pas pu faire, mais est-ce que moi je suis prêt à le faire ? Oui je crois bien. Il semblerait puisque je suis venu ici et puis après tout ce qu’on fait mes parents … ce ne serait que leur monter qu’ils avaient tort de penser que la danse n’est faite que pour les femmes.
J’acquiesce, oh oui ils sont compliqués. Ils pensent que parce qu’ils nous ont tout donner on leur doit aussi beaucoup de chose et on doit faire ce qu’ils attendent, mais je ne suis pas tellement d’accord avec ça, oh que non. On s’est souvent disputé eux et moi, mais je crois que ce qui m’a le plus fait mal c’est de savoir que j’ai été adopté, qu’ils m’ont menti en le gardant pour eux. Je ne pensais pas que ça me ferait toujours aussi mal un an après l’avoir appris.

« Je ne sais pas, peut-être qu’ils ne voudront plus que je sois leur fils … je ne pense pas qu’ils iraient jusque-là mais … »

Mais ils ont dit des choses horribles quand ils ont su que je sortais avec un des professeurs, même si je leur ai dit le contraire. Je ne voulais pas qu’ils l’apprennent. Je me souviens encore des mots de ma mère « tu as vu avec qui il sort », elle avait l’air horrifié, alors j’ai fait ce que je savais faire de mieux, j’ai menti. Si je me vois étudier ici. Je ne sais pas trop, je crois que ça pourrait me plaire, mais je n’en sais rien.

« Je ne sais pas, c’est mon petit frère qui m’a poussé à venir aujourd’hui. Mais je veux bien pour la visite et ça me ferait plaisir de voir des danseurs. »

Bien sur que ça me ferait plaisir, plus que plaisir même. Je pourrais peut-être enfin voir que ce n’est pas qu’un rêve. Je n’ai jamais été aussi emballé.

Je doute toujours de moi, c’est inévitable, quoi que je fasse je doute. J’ai l’impression de ne jamais être à la hauteur, de ne jamais savoir si je vais réussir. J’ai peur de l’échec, peur qu’on me dise que ce que je fais n’est pas assez bien, sans doute parce que mes parents ont toujours voulu le meilleurs. Ils ne se sont pas rendu qu’en faisant ça ils me mettait en situation d’inconfort et de doute. J’ai un sourire quand elle me dit que si je fais une battle de danse avec des troisième année je gagnerais. Il est évident que ça flatte mon égo, mais est-ce qu’elle le dit vraiment parce qu’elle le pense ou est-ce qu’elle le dit parce qu’elle voit que j’ai besoin qu’on me le dise ?

« Je n’en suis pas aussi sur. Ca ne fait qu’un an que je m’entraîne. Je n’ai pas des années derrière moi. »

Je n’ai que quelques mois, j’ai donc sans doute beaucoup plus de retard que les autres, même si étonnement je suis bien plus modeste que d’habitude sur ça. Je ne me vanterais pas, pas pour ça, je me vante pour beaucoup d’autre chose, mais là c’est beaucoup plus personnel.

Elle ne connait pas mes parents, pour eux la danse n’est pas un vrai métier, même la danse de haut niveau. Ils ne voient pas à quel point c’est pourtant du travail et de l’entraînement. Ils veulent que je sois avocat ou médecin, ils me l’ont toujours dit, ça les rendrait bien plus fier que d’être danseur et c’est plutôt compliqué pour moi de leur avouer ce que je veux vraiment faire, mais je commence à en avoir assez de devoir me contraindre à leur désir et à m’oublier. Ils m’ont menti toute ma vie, pourquoi je continuerais à leur faire plaisir ?

« Il faudrait que tu leur dise ça alors, parce qu’ils ne l’entendront pas de cette façon. »

Je hausse les épaules être un Sanderson ce n’est pas aussi simple qu’on l’imagine, j’ai peut-être tout ce que les autres voudraient en apparence, mais au fond, je ne suis pas plus heureux. C’est marrant que ça soit son grand-frère qui l’ait convaincue, moi c’est mon petit frère. Je ne sais pas encore si j’irais jusqu’au bout, ça voudrait dire mentir encore, pas que ça me dérange, je suis un menteur né, mais tout de même, j’aimerais un jour pouvoir leur dire, j’aimerais qu’ils comprennent.

J’acquiesce quand elle me demande de la suivre, qu’elle va me présenter aux élèves et aux professeurs et je redoute un peu ce moment, si je croise quelqu’un que j’ai vu en club ou quelqu’un qui connait Daniel ? même si on est plus ensemble chaque fois que je croise un professeur je ne peux pas m’empêcher de penser à lui. Mais ça serait aussi un nouveau départ, personne ne saurait ici.

« Merci c’est sympa de ta part, tu aurais pu m’envoyer balader vu que je n’ai pas été très honnête avec toi. »

Elle ne l’a pourtant pas fait. Beaucoup se serait offusqué m’aurait traité de connard, on me traite souvent de connard et bon je le suis alors je l’accepte, mais ce coup ci j’ai l’impression que c’est différent.