Fin juillet, au New-Jersey

Je ne pensais pas que ça allait se terminer comme ça et, pourtant, c’était si beau. On parlait avec Anim d’un grand mariage. Pas qu’il allait y avoir des centaines de personnes, mais plutôt qu’on n’allait pas se priver pour avoir le plus beau mariage. Il voulait que je me sente comme une princesse le jour où j’allais lui dire oui. Finalement, la vie en a décidé autrement. Mon cerveau, pour nous protéger, a dissocié le trauma de l’accident et de la perte du bébé, donc Anim aussi, de moi en créant un fragment qui allait porter ce trauma. Pendant plusieurs années, j’ai considéré Anim comme un meilleur ami alors qu’il était tellement plus. Et maintenant que je me souviens de tout, que notre relation se reconstruit, tout va nous échapper. Pour de bons cette fois. Le cancer a pris le dessus et, malgré toutes les interventions qu’on a pu faire, rien n’était de notre côté. Le voir si faible, ça me brise tellement. Le voir dans ce lit, branché à autant de machine, ça me détruit. Lui, qui était si vivant, si énergique, un grand athlète, un grand hockeyeur, il est réduit à rester dans un lit faible comme jamais. Comme je savais que ça devait déjà être dur pour lui et puisqu’il l’avait demandé, j’ai tout arrangé pour qu’il puisse être à la maison à la place de passer la fin de sa vie dans une chambre d’hôpital. Un soir alors que je finissais de l’habiller après sa toilette, il m’a demandé de l’épouser. Ma première réaction ? J’ai fondu en larmes. « Pleures pas Jo’. Je veux qu’on puisse se marier, comme on le voulait. Je pourrais au moins réaliser ce rêve avant de partir. » Ses paroles, je m’en souviendrais toujours. On savait que la fin approchait. On savait même quand exactement. Quelques jours plus tard, on allait prendre la route pour aller au New-Jersey où il allait avoir recours à l’aide à mourir. C’était trop pénible pour lui de vivre comme ça. Et même si savoir quand exactement il allait mourir, ça me rendait malade, je l’ai soutenu. Alors comment je pouvais refuser sa demande ? Surtout que c’est tout ce que je souhaitais de me marier avec lui. Même si c’était loin d’être de cette façon que je me l’imaginais. Alors j’ai hoché la tête et je l’ai embrassé. J’ai donc tout préparé. J’ai trouvé un prête qui voulait bien nous marier à domicile, j’ai demandé à Aiden d’être mon témoin, ce qu’il a accepté à mon plus grand bonheur. J’ai appelé Jamie pour lui annoncer la nouvelle et ainsi qu’elle arrive plus tôt avec les enfants. Ils méritent de voir une dernière fois leur père. Déjà qu’ils habitent à des centaines de kilomètres de distance. Puis, je l’ai annoncé à mes frères. Je ne voulais pas acheter de robe pour cette occasion, je me disais que j’allais bien trouver quelque chose parmi tout ce que j’avais, mais Jamie et Freya n’ont aucunement voulu. Donc, j’ai été forcé de quitter Anim quelques heures pour trouver une robe pour cette occasion spéciale. Ce ne fut pas simple, mais j’ai trouvé une belle robe blanche. Simple, légèrement à inspiration viking pour rappeler mes origines scandinaves. Je ne pourrais pas la reporter dans d’autres occasions vraiment, mais elle est magnifique alors je n’ai pas pu résister.

Deux jours plus tard, j’aidais Anim à enfiler son costume préféré pour l’occasion spéciale alors que Jamie s’occupait de préparer les enfants et la pièce où on allait être uni jusqu’à la mort. Je tenais à le faire, même si on dit que ça porte malheur de se voir le jour du mariage. Qu’est-ce qui pourrait nous arriver de pire sachant qu’on va être marié au maximum une semaine ? Puis, il allait me voir avec ma robe lorsque je vais rentrer dans la pièce alors on ne s’éloignait pas trop des traditions finalement. Une fois tout beau, je ne faisais que l’embrasser, n’était pas prête à le laisser, jusqu’à l’arrivé de ses enfants. J’ai même eu de la difficulté à le quitter alors qu’il fallait que je me préparer pour être prête à temps. Jamie et Aiden avaient limites du me sortir de force de la chambre. Quelques instants plus tard, j’étais prête devant la porte où j’allais m’unir avec l’homme de ma vie accompagnée de mes deux frères. Ce fut une cérémonie pleines d’émotions. Déjà juste voir Anim dans la chaîne roulante et plus dans un lit pendant quelques heures, c’était déjà quelque chose. C’était beau. C’était émouvant.

Toute la semaine qui a suivi, je me suis raccrochée à ce souvenir pour tenir. Le fait que la maison était pleine, ça à aider beaucoup. J’ai pu tenir le bébé d’Anim dans mes bras, son troisième enfants et ça m’a rendu heureuse, comme ça m’a serré le cœur. Je n’aurais jamais d’enfant avec Anim. On n’aura pas notre famille. Il a sa propre famille, mais on n’aura pas la nôtre. C’est pour ça que je me raccrochais aux souvenirs de notre mariage pour tenir. Je ne voulais pas penser à tout ce qu’on n’aura jamais. Il y a tellement de choses qu’on n’aura jamais ou qu’on n’aura jamais la chance de faire. Je ne pourrais plus jamais aller le voir jouer en étant sa petite-amie ou, mieux encore, sa femme. Parce que je sais que c’est impossible maintenant. Sa main froide dans la mienne et le silence dans cette chambre d’hôpital me le disent. Me le crie. C’est fini. Il n’est plus là. Il ne sera plus jamais là. Un nouveau sanglot me brise le cœur alors que je serre son anneau qui est sur une chaîne qu’il m’a donné avant de prendre le médicament. Il voulait que je garde son alliance pour ne jamais l’oublier, pour ne jamais oublier qu’on est lié et qu’il m’aimera même de l’autre côté. Comment je pourrais oublier quoi que ce soit en lien avec lui ? Je sais que je devrais quitter cette chambre, que je devrais rentrer, que Aiden m’attend, mais je n’arrive pas à le quitter. C’est trop dur. Comment je vais faire pour surmonter sa mort s’il n’est pas là pour me soutenir ? Il a toujours été là pour m’aider, même lorsqu’il m’en voulait pour l’avoir oublié. Alors comment je vais faire sans lui ? Et tous nos projets ? Je ne peux pas croire qu’on a pu simplement se marier.

@Aiden Moore

Un mariage et un enterrement, je croyais que c’était le titre d’un film, mais pas de la vraie vie. Pourtant ça l’a été pour Asgard. Elle m’a demandé si je voulais bien être son témoin et j’ai accepté. Elle m’a aidé quand j’étais dans le besoin alors je me vois mal lui refuser ça. Je sais que je ne serais pas très à l’aise. J’ai fait un gros effort pour trouver un costume quand même, après tout ça reste un mariage même si c’est dans un hôpital, même si c’est en dehors de New-York. Elle m’a emmené là-bas et je suis resté quelques jours avec eux. Même si je suis resté finalement un peu dans mon coin pour ne pas déranger. Je voulais être là pour elle et en même temps je ne voulais pas trop m’imposer. C’était assez étrange ce mariage. Je n’avais jamais été à un mariage avant c’était le premier, mais j’imagine bien que c’est différent d’habitude.

La semaine qui a suivie à été plutôt longue, l’état de son conjoint semblait se dégrader. J’ai vu un peu leur famille et je ça m’a renvoyé au fait que je n’en ai pas vraiment. Je les ai laissé aussi beaucoup entre eux, sans m’imposer de trop. J’ai pu voir un peu la vie qu’elle avait. Je comprends donc sa tristesse, elle avait l’air vraiment accroc et lorsque son mari est mort, je n’ai pas pu m’empêcher de rester près d’elle. Je ne sais que trop bien ce que ça fait. Pour l’avoir vécu. Je reste là encore une fois en retrait, pour lui laisser le temps de dire aurevoir. Ça fait un moment qu’elle est dans cette salle avec lui. Je n’ose d’abord pas lui dire qu’il est temps de le laisser partir. Ce n’est sans doute pas à moi de le faire.

Je fini quand même par aller vers elle et poser une main sur son épaule, pour la réconforter, du moins faire ce que je peux pour. Je ne sais pas trop quoi lui dire, mais je sais surtout qu’il n’y a pas grand-chose à dire en réalité. Tous les mots du monde ne suffiraient sans doute pas à effacer sa peine. Je le sais bien et je fini juste par lui dire :

« Je suis désolé, si tu as besoin de quelque chose … Est-ce que tu ne voudrais pas un café ? Qu’on sorte d’ici ? »

Je lui demande poliment, presque timidement parce que je ne voudrais pas qu’elle se fâche, je ne voudrais pas qu’elle m’en veuille de lui demander ça. Elle n’est peut-être pas encore prête, mais elle sait qu’il n’y a plus rien à faire, mais ce n’est pas à moi de prendre la décision de la faire sortir. C’est à elle de décider.

Je n’arrive pas à croire que c’est fini. Plus jamais je ne pourrais le revoir. Plus jamais je ne pourrais entendre sa voix. Plus jamais il n’y aura de nous deux. Comment je suis censée surmonter sa perte sans lui ? Comment je suis censée continuer en ayant perdu l’homme de ma vie ? Une partie de moi ne veut pas réaliser qu’il n’est plus là et l’autre ne fait que crier depuis que les machines ont fait le son maudit et continu d’un cœur qui bat plus. Ça n’a pas duré longtemps. Maintenant, elles sont éteintes et on m’a dit de prendre le temps qu’il me fallait avant de quitter la chambre. Le silences règnes dans la pièce, entre coupés par mes sanglots et ma respiration saccadée. Lentement, j’arrive à me calmer, mais c’est dur. Je déteste la vie de nous avoir donner espoir de pouvoir vivre notre histoire pour finalement tout nous enlever une bonne fois pour toute. Je caresse le visage d’Anim, puis ses cheveux, sans jamais le quitter des yeux ou lui lâcher la main. Jusqu’à ce que je sente une main sur mon épaule. Je sursaute et détourne le regard d’Anim pour voir que c’est Aiden. Ça doit être une torture pour lui d’être ici. Même si ce n’est pas la même hôpital où il a perdu sa petite-amie puisqu’on est plus à New-York, mais bien au New-Jersey, ça doit quand même le ramener à ce moment. Comme je voudrais quitter l’établissement pour qu’il puisse lui aussi quitter l’hôpital. Je sais qu’il déteste y être et pourtant il est toujours là à m’attendre. Sans lui, je ne sais pas ce que j’aurais fait… Il ne le sait peut-être pas, mais s’il n’avait pas été là, j’aurais surement déjà tout fait pour rejoindre Anim. Mais, il est là, depuis le début de cet enfer, et on lui a promis de toujours être là pour lui, qu’il n’est plus seul maintenant, ce n’est pas pour l’abandonner déjà. À travers mes larmes, je vois qu’il ne semble pas à l’aise, qu’il ne semble pas savoir quoi me dire, mais il finit par parler et je retiens juste le mot café. C’est tout ce que j’arrive à avaler depuis deux jours et ça me fait peur de retomber dans les TCA tout ça. Pourtant, j’ai tellement la gorge nouée que je n’arrive à rien manger. Il n’y a que le café et l’eau qui arrive à passer. Je lui demande alors un café avec la voix brisée d’avoir trop pleurer. Sans la caféine, je ne crois pas que j’aurais pu tenir aussi longtemps sans tomber de fatigue. Et pourtant, je sais qu’une fois rentrer, je vais tomber dans une phase où je vais faire de l’hypersomnie. Ça sera plus simple que de vivre la réalité. Et lorsque je serais réveillée, je serais dissociée. Je serais en dépersonnalisation. Je fini par attraper sa main de ma main libre et la lui serre un instant en le regardant à travers mes larmes.

- Merci d’être encore là Aiden… Je sais à quel point ça doit être dur pour toi présentement alors merci…

Je lui dis sincèrement. J’ai rarement eu un ami aussi fidèle. En fait, il n’y avait que Swan et Arya qui méritent ce titre. Maintenant je peux rajouter Aiden, ce que je ne pensais pas que ça allait arriver. J’étais après tout « la folle » ou « la fille bizarre » à l’école. Et pourtant, Nana faisait tout pour se faire des amis, mais à chaque fois qu’elle pensait avoir enfin trouver, c’était juste pour mieux nous humilier et nous harceler.

- Comment tu fais pour vivre avec la douleur d’avoir perdu ta petite-amie ?

Je finis par demander totalement prise par le désespoir et les larmes et les sanglots. Je finis par me réfugier dans ses bras lâchant pour une des rares fois la main d’Anim au profit du contact physique chaud d’Aiden.

Je ne sais pas trop quoi lui dire. Il n’y a sans doute rien de plus à dire finalement. La perte d’un être cher est toujours très douloureuse quelque soit la personne, tant qu’on l’aimait c’est difficile d’accepter la mort de quelqu’un surtout quand on ne s’y attend pas, du moins quand c’est un peu trop tôt. Il avait toute sa vie devant lui, certains l’aurait dit et pourtant la maladie frappe tout le monde. Elle ne fait aucune sélection, dans un sens ça nous forge un caractère, ça nous forge un passé, mais c’est toujours compliqué d’y faire face et je ne suis pas sur d’y avoir fait réellement face et je réponds à sa première remarque avec un sourire.

« C’est normal d’être là, j’aurais aimé ne pas être seul, je comprends totalement. »

Je lui fais un nouveau sourire espérant que ça lui remontera le moral un peu, mais je sais que ce sera loin d’être suffisant et sa question d’après ne fait que confirmer ce que je pensais un peu avant. Je n’ai pas totalement fait face. Je me suis juste contenté de laisser le temps passer et je n’ai jamais vraiment été avec quelqu’un d’autre alors je ne sais pas trop quoi lui répondre. Je suppose que le temps fera les choses à sa manière, mais est-ce qu’elle est prête à entendre ça ? Est-ce qu’elle est prête à entendre que ce sera sans doute long et compliqué ? Je suis presque sur qu’elle le sait. Je fini donc par lui dire :

« Je ne sais pas vraiment, chacun fait son deuil à sa manière et avec les temps … la douleur s’efface un peu. »

Mais pas le souvenir et ça c’est plutôt bien, je ne pourrais pas oublier ma fiancée, jamais, tout comme elle ne pourra jamais oublié son mari.

Je ne peux m’empêcher de remercier Aiden d’être encore là. Je n’aurais pas été aussi bien, si on veut, dans cette situation sans lui à mes côtés. Habituellement, je demande à mes frères d’être à mes côtés dans ce genre de moment difficile, mais ils ont une certaine rancœur envers Anim à cause de son comportement envers moi lorsque j’ai retrouvé mes souvenirs et même après. Alors j’ai préféré ne pas les convient. Autant pour mon bien être que celui d’Anim. Ça m’a même surprise de les voir le jour de mon mariage avec mon défunt mari. Alors bien sûr que je suis contente d’avoir mon ami à mes côtés dans cette épreuve. Je sais qu’il me comprend et qu’il ne me forcera pas à quitter le chevet d’Anim avant que j’aie un minimum de courage pour le faire. Ce que mes frères n’auraient pas compris. Je me serais sentie obligée de rentrer rapidement parce que Jakub allait devoir retourner travailler et que Jesperi aurait eu des dossiers à s’occuper au cabinet où il travaille. Et comme je savais que je n’aurais pas été en état de conduire après tout ça, je n’aurais pas eu le choix de repartir avec eux. J’aurais pu prendre un taxi, mais… même si j’ai les moyens, je n’aime pas en prendre. Je ne comprenais pas pourquoi il y a plus d’un an, mais maintenant je me souviens de l’accident qui nous a fait perdre notre bébé. C’était dans un taxi alors je fais tout pour éviter d’en prendre maintenant. C’est mieux comme ça. Bref, je ne pouvais pas rêver d’une meilleure personne pour être à mes côtés dans un instant pareil qu’Aiden. Je lui en serais toujours reconnaissante d’être venu et d’être resté aussi longtemps malgré le fait qu’il n’aime pas les hôpitaux.

En plus de comprendre la douleur présente dans mon cœur, je sais qu’il sait ce que je pourrais faire à cause de toute cette douleur. Je sais aussi qu’il ne me jugerait pas si jamais je recommence. Mais, je ne veux pas. J’ai réussi à tenir ses dernières semaines sans approcher une lame de ma peau, je ne veux pas commencer maintenant.

- Alors j’ai énormément de chance d’avoir l’occasion de t’avoir à mes côtés…

Je lui fais un petit sourire triste parce que, même si je sais que je n’y peux rien, je me sens tout de même un peu coupable de ne pas être seul dans ce moment alors que lui là été. Mon regard passe de l’un à l’autre avant de rester sur le visage paisible et blanc d’Anim. Ça fait bien longtemps que je ne l’ai pas vu si calme et bien. Il était tellement toujours pris par les horreurs qu’il a vécu, par notre passé tumultueux, par sa maladie que ça fait étrange de se dire qu’il semble si calme. En espérant qu’il soit libéré de tous ses démons là où il est. Ça me sert le cœur de penser ça puisque ça veut dire que notre amour n’a pas pu éloigner tous ses nuages sombres qui le poursuivaient. Et ça fait redoubler mes larmes. Et ça me pousse à poser cette question complètement insensé puisque je sais qu’il vit difficilement avec cette douleur d’avoir perdu sa fiancée. Sans pouvoir m’en empêcher, je me réfugie dans les bras d’Aiden où je cache mon visage contre son cou alors que j’éclate en sanglot à nouveau. Ses bras autour de moi me réconforte et me font du bien malgré la douleur qui ne me quitte pas. Sa réponse me laisse un drôle de feeling. Que veut-il dire en disant que chacun fait son deuil à sa manière ? Est-ce à ce moment qu’il a réellement commencé à se mutiler et à se droguer ? Je le serre un peu plus contre moi, comme si je pourrais être plus proche de lui, mais ce n’est pas possible et pourtant j’essaie.

- Je suis désolée Aiden…

Je murmure contre son cou entre deux murmures. Je me sens comme si tout mon monde venait de s’écrouler. Ce n’est peut-être pas si éloigné que ça de la réalité puisque je voyais mon futur avec Anim. Je voyais enfin nos projets pouvoir voir le jour et la vie nous a tout pris une nouvelle fois. Et pour de bons. Pour de vrai. Pour toujours cette fois. Je n’ai pas quitté le refuge de ses bras et de son cou où j’ai enfoui mon visage, trempant son cou de mes larmes au passage.

- Tu veux bien venir habiter chez moi quelques jours… ? Pour être sûr que je ne fasse pas de bêtises et que je ne reste pas dans mon lit… Je veux pas recommencer à… à tu sais… et je veux pas retomber dans nos troubles alimentaires… Mais seule, j’y arriverais pas…

Lui demandé-je encore une fois, sans bouger de ma place. Je lui murmure ses paroles, ayant l’impression d’abuser de sa gentillesse. Jusqu’à où je pourrais compter sur lui ? Il a ces propres démons à affronter et qui lui pèse, je ne veux pas être un fardeau pour lui en plus, mais je ne vois que lui pour m’aider… Pour une des rares fois, ce ne sont pas mes frères que je veux à mes côtés pour surmonter cette épreuve. Ils ne me comprendraient pas, j’en suis presque sûr, et je ne veux pas à avoir à gérer ça en plus du reste.

Ce sont des coups à la porte qui me font sursauter et quitte le refuge que les bras d’Aiden était. Je me tourne vers la porte essayant d’essuyer mes joues, mais de nouvelles larmes viennent les remplacer lorsque je vois le médecin qui s’est occupé d’Anim. Je sais déjà ce qu’il va me dire et je ne peux empêcher une nouvelle vague de larmes de couler.

- Je suis désolée, madame Whitecloud, mais il faudrait nous laisser s’occuper de monsieur Whitecloud.

Je vois que le médecin est mal de me demander ça, mais je savais que le moment aller arriver d’un instant à l’autre. Après tout, ça fait déjà quelques heures que les machines sont arrêtées. Je n’arrive même pas à apprécier qu’il m’ait appelé par le nom de famille à Anim alors que je ne rêvais que du jour où j’allais pouvoir être madame Whitecloud. Je ne fais qu’hocher la tête et lui demander cinq minutes de plus d’une petite voix, ce qu’il m’accorde après un instant d’hésitation. Lorsque la porte se referme, j’éclate en sanglot en venant me coucher à côté d’Anim. Je lui embrasse le visage et ses lèvres plusieurs fois et je lui caresse les cheveux.

- Je t’aime Anim… Pour toujours et à jamais…

Je lui murmure mon front coller contre sa joue. C’est trop dur. Je n’arrive pas à le laisser.

Ça me fait bizarre d’être ici, d’avoir assisté à leur mariage ici et de savoir que son mari est mort aussi. Je me sens un peu … je ne sais pas inutile disons. Je sais que c’est important pour elle que je sois là et je sais aussi que le soutiens que je lui apporte est utile, mais j’aurais aimé qu’il ne meurt pas. J’aurais aimé que l’issue soit différente. C’est toujours terrible de vivre ça. J’aurais aussi aimé être entouré à l’époque alors je comprends qu’elle m’ait demandé de venir et je ne lui en veux pas, même si je déteste toujours autant les hôpitaux. Ça me rappelle beaucoup trop de souvenirs malheureux, beaucoup trop de stress et d’angoisse. Je voudrais juste oublier tout ça et j’ai envie d’un me faire un rail là maintenant, mais évidement je ne vais pas le faire, parce que je suis quand même civilisé, ça peut attendre encore un peu. J’essaie de ne pas trop le faire dans les lieux publics, je ne voudrais pas qu’on me surprenne et il y a trop de monde pour que je fasse ça ici, même dans un coin isolé. Je préfère être dehors ou chez moi.

Je la vois craquer plusieurs fois, c’est tout naturel vu la situation, mais malgré tout je la trouve très belle et je ne peux pas m’empêcher de me dire qu’elle n’a vraiment pas eu de chance non plus, qu’il y a sans doute une raison pour que nos chemins se soient croisés précisément là à cet instant de nos vies. Je la laisse venir se réfugier contre moi et ça me fait tout drôle, je ne suis pas toujours fan de ce genre de geste, ça dépend avec qui, je les accepte très bien de mes amis, ou alors il faut que ça vienne de moi, mais là ça ne me dérange pas, si ça peut la réconforter. C’est l’essentiel. J’entoure mes bras autour d’elle, la laissant pleurer sur mon épaule. Elle fini par s’excuser et je lui réponds :

« Tu n’as pas à l’être, ne t’en fais pas. »

Elle le sait très bien au fond. Ses troubles, j’oublie presque qu’elle a d’autres personnalités, je n’ai pas encore vu de changement chez elle, rien qui ne m’effraie en tout cas et j’acquiesce, même si l’idée de vivre un peu loin de chez moi m’inquiète un peu, parce que je sais que quand je ne suis pas chez moi s’est plus compliqué d’être moi-même, mais je veux bien faire ça pour elle.

« D’accord, si ça peut t’aider je veux bien, est-ce qu’on peut repasse chez moi pour que je prenne quelques affaires ? »

Je demande aussi parce que je sais ou j’ai caché mes petits sachets dont j’aurais sans doute grand besoin là-bas, surtout si je reste un peu plus que quelques jours, mais je ne vais pas m’avancer. Je resterais tant qu’elle en aura besoin évidement. Le médecin fini par lui demander de les laisser s’occuper du corps et je m’écarte un peu la laissant avec son mari, je sors de la chambre en l’attendant.

Je ne pensais pas trouver un refuge où je me sentirais aussi bien alors que Anim n’est plus là. Les bras de mon mari était la place où je me sentais le plus en sécurité. Et pourtant, sentir les bras d’Aiden m’entourer et me serrer contre lui me procure une sensation presque identique. J’ai tellement peur de le perdre lui aussi. Est-ce que je suis destinée à être seule pour toujours ? Est-ce que je ne suis pas assez normal pour mériter d’être entourer par plein d’amis et d’avoir un amoureux avec qui vieillir ?

À travers mes larmes, un très petit sourire se dessine sur mon visage toujours cacher contre son cou. Pourquoi ? Simplement parce que je comprends par sa réponse qu’il croit que je m’excusais de pleurer de la sorte. C’est ça n’est-ce pas ? Alors que je m’excusais en partie pour le fait de tout ce qu’il n’a pas dit à voix haute lorsqu’il a affirmé que chacun fait son deuil à sa manière. En vrai, mes excuses étaient pour tellement de choses. Pour le fait que je n’arrive pas à me reprendre. Pour le fait de le « forcer » à se retrouver dans un hôpital alors qu’il n’aime pas ça. Pour le fait de l’avoir embarqué dans toute cette histoire alors que lui-même à ses propres démons à dompter. Pour le fait qu’il ait dû traverser ce que je traverse présentement seul. Peut-être que la vie nous a amené à se croiser justement pour ne plus qu’on soit seul face à nos démons ? Puisque c’est connu : l’union fait la force.

Je suis soulagée lorsqu’il accepte de venir passer quelques jours à la maison. J’ai promis à Anim que je n’allais pas laisser son décès me laisser effondrer et je tiens vraiment à tenir cette promesse. C’est juste que je ne suis vraiment pas sûr d’arriver à tenir seule. Alors avoir Aiden à mes, nos côtés le temps que le système trouve un nouvel équilibre avec sa disparation, ça ne pourra que nous aider. Je me redresse et lui fait un petit sourire en hochant la tête.

- Oui, bien sûr, merci Aiden. T’es vraiment le meilleur.

Je lui dis en venant déposer un baiser sur sa joue avant de sursauter à cause de l’arriver du médecin. J’arrive à avoir cinq minutes de plus pour dire mes derniers au revoir à Anim. Je ne vois même pas Aiden sortir de la pièce tellement je suis concentrée sur mon mari. À moins que ce soit le fait que Livie pointe le but de son nez qui fait qu’on porte moins attention à notre environnement. Livie fini par prendre le contrôle du corps et éclate en sanglot contre le corps d’Anim.

- Je t’aime 3x1000 papa. Maintenant tu ne souffriras plus. Ne t’en fais pas pour nous, Pégase va veiller sur nous et te dire comment nous nous portons.

Puis, elle lui fait un gros bisous sur la joue. Ses paroles me font sourire. Autant la référence à Iron Man et sa fille que le retour de Pégase pour nous protéger. Elle lui avait laissé son toutou Pégase lorsqu’elle avait appris qu’il était malade pour qu’il puisse le protéger et comme l’Olympe se trouve dans le ciel, Pégase sera son messager entre la terre et le paradis pour qu’il sache que tout va bien aller pour nous.

La douleur étant trop grande pour le système, je (Freya) prend la relève. Ce n’est pas que je n’aimais pas Anim. C’est juste qu’il a tellement fait de mal et de peine au reste du système que son décès m’affecte moi. Puis, je ne suis pas celle qui est reconnu pour vivre le plus d’émotions parmi le système. C’est donc grâce à moi qu’on arrive a quitté Anim pour retrouver Aiden dans le passage. Je ne pleure plus. Même plus de sanglots. Pourtant, il est toujours possible de voir les traces des larmes sur mes joues et mes yeux sont toujours rouges et bouffis d’avoir trop pleurer.

- On peut rentrer.

Je dis doucement à Aiden une fois sortis de la chambre d’Anim.

Ca me touche qu’elle me dise que je suis le meilleur, même si je suis loin de l’être, non vraiment, je ne suis pas le meilleur. Je suis minable, enfin c’est l’impression que j’ai. Je n’arrive pas à faire ce que je veux vraiment et je me met tout seul des bâtons dans les roues. J’ai toujours fais ça pour éviter qu’on s’attache à moi, qu’on me fasse souffrir alors je me fais souffrir tout seul, comme ça je ne peux m’en prendre qu’à moi-même. Je ne réponds pas grand-chose. Il n’y a rien à dire de plus je crois. Je la laisse seule le temps qu’elle fasse ses adieux et j’attends dehors.

Je déteste les hôpitaux, pas seulement à cause de mon accident, non mais parce que j’ai vécu la même chose qu’elle et puis quand je viens ici généralement on me traite comme un moins que rien, c’est peut-être ce que je suis. Je n’ai jamais eu tellement confiance en moi. Je crois qu’à force d’entendre dire que je n’étais pas important je l’ai cru. J’ai été tellement balloté de famille d’accueille en famille d’accueille et finalement remis en foyer que j’ai compris que personne ne voudrais de moi et la seule qui le voulait est morte, alors forcément je me suis mis à croire que je n’avais pas droit au bonheur. Quel qu’il soit et puis je tombe sur Asgard, elle est si jolie, mais aussi pleine de souffrance, un peu comme moi et c’est plutôt étrange qu’elle vive maintenant la même chose.

Je lève la tête lorsque je la vois, elle ne pleure plus, elle a l’air différente et je sais qu’elle a d’autre personnalité, sans doute une qui a pris le relais pour faire face au deuil. Je pose donc la question :

« Asgard ? »

J’ai envie de savoir à qui j’ai à faire, au moins je saurais si elle préfère que j’utilise son prénom ou un autre, c’est aussi pour ça que je demande si c’est elle, mais je suis presque certain que non. Qu’elle a changée.

Je sais que Aiden est au courant pour notre TDI. Du moins, qu’il sait qu’on a différents alters qui peuvent fronter. Mais, je sais que Jo’ ne s’est pas éternisée sur le sujet non plus puisqu’elle voulait que lui faire voir qu’elle comprenait réellement comment il se sentait. Donc, elle lui a parlé brièvement de nos troubles. C’est un peu pour ça que j’ai décidé de ne pas masquer ce switch. Il serait peut-être temps que Aiden comprenne et apprenne ce que c’est d’avoir différents alters qui peuvent frontent. Et qu’il commence à apprendre à nous connaitre individuellement et reconnaitre. Après tout, si Jo’ lui fait assez confiance pour lui demander de rester avec nous quelques jours, il mérite qu’on se dévoile un peu plus à lui.

À sa simple question, je comprends qu’il demande qui est là. Après tout, c’est logique puisqu’il a laissé une jeune femme en pleure et brisée derrière cette porte il y a peu pour finalement la voir ressortir en ne pleurant plus. Puis, comme je ne force aucun masking, il ne peut que remarquer que ce n’est pas la même personne qui sort de cette chambre alors est-ce qu’il veut, lui aussi, apprendre à nous connaître individuellement ? Cette pensée me fait sourire doucement.

- Asgard est le nom du système. C’est le nom qu’on donne lorsqu’on ne veut pas parler du TDI et, comme ça, peu importe l’alter au front, il se sent concerné. Moi, c’est Freya.

Lui expliqué-je le plus simplement possible.

- Tu veux qu’on rentre à l’hôtel pour préparer nos bagages pour rentrer à New-York le plus tôt possible ? Tu pourras me poser toutes les questions que tu veux aussi.

Je lui demande en replaçant mes cheveux et mes vêtements pour avoir l’air un minimum présentable. Et je me dis que, heureusement que c’était Joëlla qui s’est préparée ce matin, sinon on aurait eu le dessous des yeux tout noir à cause du mascara qui aurait coulé. Mais, grâce à elle et à sa non envie de se maquiller dans ce genre de moment, on est toujours correct à ce niveau-là.

- Et... Merci Aiden d'avoir été là pour nous. Je sais pas ce qu'on aurait fait sans toi. Joëlla aurait été encore plus effondrée et j'ose même pas imaginer ce qu'elle aurait pu faire si elle avait été toute seule.

Je ne peux m'empêcher de le remercier à mon tour d'être rester auprès de nous malgré la situation.

J’ai encore un peu de mal avec ses troubles de l’identité, je comprends qu’elle n’est pas toujours elle, mais je ne la connais pas assez pour reconnaître qui est qui, on n’a pas discuté réellement de ça. J’imagine que ce n’est pas simple non plus pour elle. Elle comprend ma question, mais tout ça reste assez flou quand même, mais je sais donc que c’est Freya qui est là. Je ne sais pas combien elle a d’autres personnalités, je n’ose pas lui demander, j’ai peur que ça soit mal vu si je demande. J’acquiesce donc quand elle se présente comme Freya. Je sais au moins pour aujourd’hui, mais peut-être que demain ça sera différent. Elle me demande si je veux qu’on rentre maintenant, j’aurais tendance à dire oui, mais je n’ai pas envie de prendre cette décision à sa place et je lui réponds donc :

« C’est comme tu le sens. »

Je la suivrais de toute façon. Je préfère qu’elle choisisse de vouloir partir, peut-être qu’elle a envie de rester pour x raisons, je ne peux pas savoir. Elle me dit que je pourrais lui poser les questions que je veux, mais je ne sais pas vraiment si je le ferais. Je suis curieux pourtant, mais je n’ai pas envie de la mettre mal à l’aise avec tout ça, surtout qu’elle a surement envie de penser à d’autres choses. Je me contente de sourire quand elle me remercie. Je ne suis pas le type le plus bavard du monde, loin de là, alors ce n’est pas si facile pour moi d’avoir une discussion avec quelqu’un, c’est sans doute pour ça que je suis souvent seul.

« Il n’y a pas de quoi. C’est ce que font les amis, enfin je crois. »

Je n’en ai jamais eu beaucoup, mais j’imagine que ça fait partie de ces choses-là, de soutenir ceux qu’on aime pendant des moments difficiles, je n’avais pas d’amis quand j’ai perdu celle que j’aimais. J’étais seul et je vois très bien ce qu’elle veut dire.