Ce fut un peu nerveux que Gaetano attendait Pia De Castellane. En bas d'une grande tour, il patientait sagement en jetant plusieurs coups d'oeil par ci par là afin de guetter son arrivée. Depuis peu, il l'avait recontactée comme il l'avait implicitement promis lorsqu'ils s'étaient croisés la dernière fois et il en avait résulté une soirée assez atypique en perspective. C fut un collègue qui lui avait donné l'idée, quand il lui avait dit qu'il adorerait voir la ville de nuit dans les airs car cela devait être un sacré spectacle à observer. Alors qu'il terminait d'écrire un paragraphe de son article, il s'était arrêté net pour pouvoir porter son attention sur lui avec un déclic en tête. Voilà plusieurs jours qu'il se torturait l'esprit de savoir où il pouvait emmener Pia le jour où ils devraient se retrouver tous les deux. La dernière fois s'était si bien passée qu'il avait souhaité renouveler l'expérience sans que ce soit dix minutes dans les couloirs, le temps de déguster un "délicieux" café et reprendre après ses activités. Après cela, à plusieurs reprises, on avait pu le voir fixer son téléphone avec attention, les doigts pianotant la table sur laquelle il travaillait, signe de réflexion et de nervosité à la fois. Personne ne s'était posé plus de question que cela, car il était en plein boulot et on pensa qu'il réfléchissait par rapport à cela. Sauf que non. Parce que contacter son ex était devenu une quête principale depuis, et il avait cherché maintes et maintes fois la formulation de ses phrases, la tournure à adopter, bref. Un véritable adolescent mine de rien. Sans parler du fait que leur conversation, il se l'était rembobinée plusieurs fois. Un souvenir qui n'était donc pas si anodin que cela en ce qui le concernait.

Ainsi, elle avait répondu favorablement à son invitation. Il lui avait indiqué l'adresse et l'heure et il était arrivé forcément bien à l'avance, lui qui avait pour habitude fâcheuse d'être à la bourre. Seulement, il n'avait pas souhaité se rater pour le coup, et foirer... quoi, au juste? Son organisation? Ouais, probablement cela. Il en avait posé même toute son après midi pour s'assurer de ne rien louper. Il voulait que ça soit parfait, lui et son sens méticuleux du détail. En prime, il n'avait parlé à personne de cette sortie furtive. Il avait seulement prétexté que ce soir, il allait être occupé pour le travail et qu'il serait donc indisponible à quelconque tentative de contact. Il s'amusait de cela. Parce qu'au fond, il s'agissait de revoir Pia et qu'il n'y avait rien de fou en soi. Mais c'était quelque chose qu'il souhaitait malgré tout garder pour soi, bien que cela n'avait rien de honteux ou quoique ce soit d'autres de la sortes. La revoir le touchait plus qu'il ne l'aurait cru et il refusait de partager cela avec quiconque d'autre pour le moment; Pas même sa plus jeune sœur à qui il ne cachait rien en principe. La question de la tenue avait été une grande source de question également. Comment s'habiller? Une chose était certaine : exit le costard cravatte, les chemises remontant jusqu'au coup, les trucs un peu trop soigné qui donnait plus le sentiment d'avoir un balais coincé dans une partie peu délicate de l'anatomie. Il avait choisi pour quelque chose de plus décontracté, mais efficace.
Alors qu'il s'apprêtait à allumer une cigarette, il s'arrêta net dans son élan lorsqu'il vit la silhouette de son invitée apparaitre dans son champs de vision. Il releva dès la tête pour mieux l'observer puis rangea la clope dans sa poche ainsi que son briquet tandis qu'elle approchait.

Cette soirée là, il l'avait attendue avec impatience. Revoir Pia était un évènement qu'il avait ardemment désiré mais aussi beaucoup appréhendé, de peur de dire ou faire quelque chose de stupide et totalement insensé. Depuis ses retrouvailles avec elle, les examens de fin d'années s'étaient déroulées, puis les vacances. Et pas n'importe quelles vacances, puisque Guilia, sa plus jeune sœur, avait souhaité quitter New York pour un temps encore indéterminé à ce jour suite à des complications imprévues survenues dans sa vie dernièrement. Ajouté cela la reprise du travail haut en couleur et le voilà qui était sous tous les deux et particulièrement irritables. Il n'avait pas tenu à voir son ex dans ces conditions là, préférant un moment beaucoup plus favorable pour pouvoir mieux la revoir. Alors, il avait prit du temps. Mais par plusieurs fois, il avait ouvert la conversation avec elle, tapé plusieurs messages qu'il effaçait systématiquement vu qu'il en était pas satisfait jusqu'à remettre cette initiative à plus tard. Il aurait pu lui proposer juste de boire un café quelque part, mais ce n'était pas dans le style de Gaetano de se contenter de seulement un café. Il fallait souvent qu'il voit les choses en grand, il ne voulait pas que leur sortie ensemble ne dure quelques minutes et puis chacun rentrait chez soi. Pour Pia, il souhaitait lui consacrer le temps qu'il aurait dû lui donner lorsqu'ils avaient été ensemble. D'ailleurs, plus il se passait en revue leur dernière rencontre, plus il se remettait en question sur plein de chose, leur relation passée, la rupture, les éventuels regrets ou non... Ca l'avait pas mal travaillé, mine de rien. Et bien qu'il ne savait pas ce qu'allait donner cette démarche de renouer avec elle, il souhaitait seulement faire les choses bien, faire en sortes à ce que Pia soit tout simplement heureuse et la soutenir comme il aurait aimé le faire avant. Après tout, peut être que ce n'était pas aussi éteint que cela, ce qu'il ressentait déjà pour elle, et que la raison pour laquelle il ne trouvait aucune satisfaction était parce que... Non, inutile de s'emballer pour autant. Il mettra une explication à tout cela quand il aura des idées plus claires au lieu de faire des théories farfelues trop rapidement. Il ne souhaitait pas non plus vivre dans le déni, alors le voilà tourmenté. Cette soirée en sa compagnie allait certainement l'aider à y voir plus clair et à se positionner davantage. Complètement ou partiellement, il attendait de voir.  

La chevelure blonde de Pia se dessina à l'horizon, alors que sa silhouette approchait doucement. Il se surprit à avoir un sourire tendre - et un peu béat, on ne va pas se mentir - quand il la vit arriver. Il y avait rien à faire, la future chirurgienne était toujours aussi ravissante. Il plongea ses yeux dans les siens - comment faire autrement, en même temps? - et l'entendit à peine le taquiner sur son avance, puisque d'ordinaire, il était en retard.
"Mmmh ouais, je n'ai pas eu d'orphelin à sauver d'un incendie, de chat à ramasser en haut d'un arbre ou de braquage de banque à neutraliser aujourd'hui, j'ai eu donc beaucoup de la disponibilité me permettant d'arriver à l'heure ce soir" s'amusa t-il d'une manière absolument pas sérieuse pour justifier son avance au lieu de son retard. Il avait du mal à ne pas se fixer sur elle comme il avait envie de le faire et "paraitre naturel" Mais cela était souvent dans ces conditions là que l'on faisait n'importe quoi, n'est ce pas? . "Pia, tu es... toujours aussi belle" ne put-il s'empêcher de dire non pas pour l'endormir de mots doux afin de la séduire, mais parce que ça venait du fond du coeur, comme un besoin de lui exprimer l'admiration qu'il avait vis à vis d'elle tant elle faisait effet sur lui.
"Je vais merveilleusement bien, un léger stress j'admets, mais vraiment rien de méchant, et toi? Tout se passe bien? Au boulot, dans la vie de tous les jours...?"
Il se mit à rire lorsqu'elle lui avoua être intriguée par la proposition qu'il lui avait faite par message, lorsqu'il avait proposé de se revoir, à cette adresse précise et à cette heure précise. Il se mit alors en mouvement et fit quelques pas pour arriver jusque devant l'entrée principale :

"Il n'y a qu'à le découvrir, mhh? Après toi, Pia."

Il l'invita à entrer tout en tenant la porte jusqu'à son passage. Il n'y avait que quelques pas à faire pour atteindre les ascenseurs  afin de se rendre tout au sommet de la tour de l'immeuble dans lequel ils étaient désormais.

Il était difficile pour Gaetano de "rester naturel". Déjà parce que les circonstances de ces retrouvailles amenaient à le rendre nerveux, mais en prime, il s'agissait de Pia De Castellane, et forcément, c'était un niveau au dessus encore. Elle était toujours aussi belle, Pia. Sa jolie chevelure blonde retombant en cascade dans le dos lui donnait l'allure de mannequin, la même expression douce et ferme à la fois, et les même yeux clairs qui l'observaient à présent. Pourquoi avait-il rompu, au fait? Certes, leur relation précédente n'avait pas porté uniquement sur le physique et heureusement. Gaetano n'était jamais sorti avec de filles avec qui il ne le sentait pas, uniquement par leur beauté. Non, Pia était bien plus qu'une belle femme physiquement parlant. Elle était belle tout court, dans son ensemble. Il n'était pas tombé amoureux d'elle pour rien, ça, c'était sûr.
Il éclata de rire lorsqu'elle espérait qu'aucune catastrophe n'arriverait sous menace de lui voler son statut de super héros. "Oh moi j'aimerais bien, tu vois." répliqua t-il du même ton amusé qu'elle. Imaginer Pia sauver des vies, autre que par son métier, tel Wonder Woman dans les comics, était très appréciable à imaginer. Bien que, si une catastrophe était vraiment venue à se produire, il ne resterait pas là à la laisser faire tout le boulot. Non, il participerait. Pourquoi pensait il à cela au fait? Un tremblement de terre, une tornade ou un ras de marée n'étaient pas prévu! Et s'il y avait un incendie à se produire, il était paré pour cet éventualité, un bon nombre de fois.
Lui, il était du genre à dire les choses. Alors forcément, il n'avait pu s'empêcher de la complimenter sur son apparence, étant donné que ça venait du fond du coeur. En retour, elle lui dit qu'il était charmant, et il eut un petit sourire au coin de sa bouche : "Il y a des choses qui ne changent pas." A ses souvenirs, il se souvint avoir déjà été gratifié d'un tel compliment de sa part.
"Je reconnais avoir mis du temps, c'est vrai. Disons que pas mal de choses se sont passées dans ma vie et j'ai pas eu l'occasion de te recontacter entre temps. Je mourrais d'envie de le faire pourtant mais je voulais m'assurer pouvoir être disponible pour toi. Mais dans tous les cas, il était certain que j'allais te recontacter, j'avais hâte aussi."
Il ôta son regard un peu trop scintillant sur elle, afin de garder le sang froid et ne pas laisser ses sentiments aller, prendre le dessus. En fait, il ignorait de quoi il avait peur à cet instant, peut être de mal interpréter des choses ou de faire une bêtise. Les deux à la fois, surtout.

Pia lui dit que le boulot se passait bien et que le rythme était entré depuis un bon bout de temps depuis qu'elle avait commencé. Il était ravi d'apprendre cela, après tout, Pia souhaitait être chirurgienne. Il savait à quel point cette ambition, bien qu'extraordinaire, était difficile et qu'il ne fallait pas lâcher le rythme. Il s'estimait même heureux d'avoir le privilège d'être en sa compagnie ce soir.
"Ouais, je vais aller sur le terrain et investiguer prochainement. Jusque là je me contentais de photos ou même de tenir la caméra lorsqu'il le fallait. Pour le coup je vais aller à la rencontre des gens, célèbres ou lambdas, selon ce à quoi je vais être amené et c'est extrêmement... bref, j'ai énormément hâte!"
Il allait enfin pouvoir avoir accès à ce à quoi il aspirait en se lançant dans le journalisme. Il avait envie de faire dans le sensationnel mais pas trop. Faire des choses pertinente, juste et utiles.

Finalement, ils en vinrent à la raison qui les amenait à se retrouver. Il espérait ne pas se louper pour le coup, mais dans tous les cas, il doutait fort que ça allait lui déplaire. Il avait lui même hâte d'y être, ne serait-ce que pour s'offrir le luxe de cette promenade nocturne dans le ciel. Ils entrèrent ainsi à l'intérieur du bâtiment jusqu'aux ascenceur. Pia appuya sur le bouton pour en appeler un et lui demanda pourquoi se montrait si mystérieux. A cela, il ne put s'empêcher de rire à nouveaux. Il s'appuya contre le mur sur le côté le temps qu'une cabine ne daigne se montrer. "Ce ne serait plus une surprise si je te disais" fit il remarquer. Les portes finirent par s'ouvrir et il prit machinalement la main de Pia pour l'entrainer à l'intérieur. Non pas d'un coup sec et vif, mais plutôt affectueux et surtout invitant. Il appuya sur le bouton le plus haut, celui qui conduisait à la tour, non sans avoir effectué un code préalablement.

"J'aimerais pouvoir dire que je t'emmène au septième ciel mais c'est un peu trop beauf comme remarque pour que je le dise réellement. Mais imagine un peu que l'attention y est" s'amusa t-il.
D'ailleurs, il en fut pas longtemps pour atteindre le sommet de la tour dans laquelle il se trouvait. Les portes finirent pas se rouvrir en moins d'une minute à peine pour donner lieu à la piste d'hélicoptère.