Thanksgiving. Pour un anglais comme l'était Ziggy, cette fête n'avait aucun sens. Mais il n'avait pas pu passer à côté au cours de sa vie. Comme tout le monde, il connaissait l'existence de cette fête à travers les nombreuses séries télévisées ou films américains et de ce qu'il en savait, on se réunissait en famille ou entre amis autour d'une dinde pour célébrer quelque chose d'américain et dont il n'avait pas pris la peine de se renseigner parce qu'il s'en fichait éperdument. Toutefois, en arrivant sur le sol américain alors qu'il rejoignait son frère, Bill, ce dernier lui avait proposé de la célébrer malgré tout et lui avait dit que les vieux allaient être de la partie. En seule réaction, Ziggy avait exprimé un rire, sceptique et avait signalé qu'il serait présent. Toutefois, pour que les darons soient là, c'était une autre paire de manche. Il était prêt à miser son héritage qu'ils ne viendraient pas tant il avait peu de foi en eux.
On s'habille comment à la Thanksginving? avait demandé Ziggy à son frère en message lorsqu'il fut temps pour lui de se préparer. Des convenances pour sa première fois, en soi, Ziggy en avait strictement rien à foutre des tenues de fête. Il s'habillait comme il le souhaitait depuis bien longtemps, désormais. Néanmoins, son choix se porta sur un joli tailleur couleur bordeaux tout droit sorti des ateliers de Vivienne Westwood et qu'il avait acquis avant d'emménager à New York. Il s'observa un long moment dans le long miroir qui ornait la porte d'un de ses (nombreux) dressings, des lunettes transparentes orangées sur le nez. Il passa un coup dans les cheveux et une fois satisfait, il appela le chauffeur pour l'emmener jusqu'à destination. Son frère avait eu la "bonne" (non) idée d'aller se réfugier à Staten Island aussi, il n'avait nul autre choix que de s'y rendre en voiture. Dans tous les cas, il n'aurait pas fait plus de quelques pas pour se rendre quelque part et faire profiter la ville de sa dégaine, ce soir, elle était exclusivement réservée à son frère. Et ses parents, tant bien qu'ils fussent là.

« Désolé bro, on sera que toi, moi et spike … »

Un petit moment de silence suivit les paroles de Bill Austen-Calthorpe avant qu'il ne soit brisé par l'éclat de rire de Ziggy. Tout hilare, il s'introduisit à l'intérieur de chez son frère avec une certaine difficulté à se calmer. Il finit par prendre son souffle et sortir : "Whouaouh, ça alors pour une surprise, les bras m'en tombent!" avant de se remettre dans son fou rire. Néanmoins, il parvint à arrêter malgré quelque esclaffes qui sortaient de temps à autre et s'était installé sur le canapé en allant caresser le chien de son frère. "Thanksgiving huh? Quelle mouche t'as piquée?" demanda le jeune homme blond après avoir relever ses lunettes au dessus de son front.

Il était vrai que Ziggy connaissait l'importance qu'attachait son frère au sens de la famille. Lui, en revanche, avait laissé tomber depuis bien longtemps. Il avait surtout apprit à faire sans. Après tout, ça avait toujours été ainsi, il n'y avait pas de raison que cela change quoique ce soit. Ca ne lui faisait ni chaud ni froid que les parents ne soient pas là, d'autant plus que ces dernier se trouvaient sur le continent européen. Ils n'auraient jamais fait le détour pour célébrer une fête qui n'était pas la leur ou même rendre visite à leurs enfants.

"Je ne veux pas être défaitiste, mais il ne changeront jamais je crois. Mais bon, les meilleurs sont là comme on dit!" s'enthousiasma Ziggy en voulant faire preuve d'encouragement. Après tout, il adoptait son attitude un peu arrogant comme une sorte de bouclier pour se protéger de ses sentiments. Sinon, il serait probablement en train de se morfondre également et attendre quelque chose qui ne viendrait jamais. Passait un cap où, selon Ziggy, les gens n'évoluait plus. Le sorte de point de non retour. Il n'était pas trop tard pour Billy et lui même. D'ailleurs, Ziggy n'avait pas pour intention de rester un gros con toute sa vie. Ou peut être que si, on savait pas.
Bill le complimenta sur sa tenue et Ziggy fit exprès de prendre une pause de mannequin, une main s'ouvrant vers l'avant comme pour féliciter son égo déjà bien chargé.

"Ziggy ne vient jamais mal sappé, Ziggy est un pro" s'amusa t-il pas vraiment sérieux (quoique). Il reprit une attitude naturelle, du moins, celle qu'il adoptait en général et se laissa tomber sur le canapé. Il caressa le chien qui vint à sa rencontre, à la recherche de papouille.
"On mange quoi alors? T'as prévu un truc ce soir? Genre... même si les vieux sont pas là? Parce que j'ai pas envie de rester sagement à rien dire ou faire tout en mangeant de la dinde. J'suis pas comme les darons, j'suis pas prout prout."
Il observait son frère avec patience en essayant de se faire des tas d'idées sur la réponse que ce dernier allait lui fournir. Et s'il y en avait pas, qui savait, peut être que ça pourrait aller loin cette soirée? Avec Ziggy, il fallait s'attendre à tout. Il était jeune et il comptait en profiter un maximum. Rester sagement à la maison n'était pas vraiment dans ses principes.

Parfois, ça lui faisait un pincement au coeur de voir son frère autant attaché à l'idée que leurs parents allaient soudainement réaliser qu'ils étaient de très mauvais parents et demander pardon un jour. Même si c'était le cas, Ziggy ne serait pas apte à pardonner si facilement. Il avait apprit à faire sa vie sans eux, voir même s'épanouir sans leur aide, si ce n'était celle de l'argent. Au moins cela, même si, à choisir, il aurait préféré être un pauvre lui aussi et vivre une vie un temps soi peu normale. A croire que l'un et l'autre était incompatible. L'argent créait des gens les pires monstres, et il était bien placé pour le savoir.
Il secoua les épaules aux paroles de son frère. Ca avait tellement d'importance pour lui, alors que Ziggy lui était passé à autre chose. Sa famille, il l'avait trouvée ailleurs, bien que le nombre de personne capable de le supportait se comptaient sur les doigts d'une seule mains. Seulement, avoir Bill et les quelques ami.e.s important.e.s pour lui suffisait à son développement personnel. Il estimait qu'il devait son succès à lui et lui seul, avec l'encouragement de ses proches qui eux, lui donnait l'importance dont il avait besoin.

"Mouais moi je m'en fiche. Ce sont des inconnus à mes yeux depuis longtemps et limite ça m'aurait fait chier de les voir s'ils étaient venus. Je doute qu'un jour ils changent, je crois que c'est même trop tard pour ça. Mais si jamais ils le font, j'éclaterais de rire et partirait en claquant la porte. Crois moi je suis bien mieux sans eux. Toi seul me suffit."

Puis Ziggy s'était ainsi concentré sur le chien qui était venu l'accueillir lui aussi. Il avait à peine porté plus d'attention à la tenue de Bill qui ne l'étonnait franchement pas vu sa déception. Puis Bill lui déclara qu'il avait commandé au traiteur pour ne pas avoir à se préoccuper de cuisiner, ce qui enchanta Ziggy.

"Ooouh on va bien manger dis donc! J'aurais pu inviter des gens mais ce soir, j'ai envie d'être un peu tranquille. Puis tout le monde est déjà en train de bouffer de la dinde quelque part alors... C'est toi et moi seuls contre tous grand frère!" déclara t-il d'une petite voix amusée en lui tapant l'épaule d'un geste amical. "T'as pris quoi, mhhh? Je meurs de faim, ça tombe bien! Et volontiers pour la bière."

Il prit la bouteille que lui tendit son frère et la tendit vers l'avant pour l'inviter à trinquer. "Ah cette bonne grosse soirée de merde!"

Il s'affala ensuite dans le canapé tandis que Bill, complètement dépité, lui demanda s'il souhaitait faire quelque chose. Ziggy but quelques gorgées de bière, réfléchit, puis répondit : "Pourquoi on ne ferait pas... un beer-pong? Juste toi et moi là. Un saut la piscine sinon?"

Peut être même les deux d'ailleurs.