Il avait passé une nuit mouvementée. Il avait été de garde cette nuit et pour une fois, il n'avait pas arrêté. Il avait dû rassurer deux patients qui déliraient non pas dans le sens péjoratif du terme, mais dans le sens médical. Cela avait beau être son métier, ça n'était pas tous les jours facile mais lorsqu'il y parvenait, il considérait cela comme une immense victoire. Le genre de défi qu'il aimait se donner, quitte à ne pas toujours réussir car percevoir l'âme des gens, surtout lorsque ces dernières n'étaient pas considérées comme "normales", c'était loin d'être évident. Les gens étaient tous différents, certains avaient plus de réactivité que d'autres, c'était là toute l'essence humaine.
Mais cette nuit là, il avait vaincu. Il était ainsi resté un peu plus que prévu, aidant l'équipe de jour à attaquer, avant de rentrer à la maison. Il s'était octroyé un bon petit déjeuner à la sortie, avec un bon grand café bien mérité. Le plus drôle était que, malgré la nuit et l'énergie physique et mentale dépensée, il se sentait en pleine forme et n'avait absolument pas envie de se coucher. L'adrénaline était encore dans son corps, et la fatigue risquait probablement de pointer le bout de son nez de façon soudaine.

En attendant, il comptait rentrer chez lui, pour se donner un coup de frais, regarder un film en sirotant un thé glacé et peut être dormir. Il arriva jusqu'à l'endroit où il logeait, ne voyant pour l'instant personne. Puis à peine entra t-il dans la pièce principale qu'il se figea instantanément. Il n'eut pas le temps de dire ouf, de se rendre compte de la présence de son frère jumeau que ce dernier lui avait sauté dessus dès qu'il l'eut vu. Il l'avait salué avant de le prendre dans ses bras et le temps de se rendre compte qu'il ne rêvait pas, Murphy serra son étreinte. Il était au courant de ce qui se passait dans la vie de son frère et il se doutait bien que sa présence imprévue mais toujours la bienvenue était liée au drame qu'il avait subi. Murphy en avait été lui même dévasté. Déjà parce qu'il avait perdu son neveu, mais aussi parce qu'il se mettait à la place de son frère et il ne pouvait imaginer la douleur que ce dernier devait ressentir. Il en avait eu des patients et des patientes qui avaient perdu un enfant, mais c'était toujours plus facile à gérer lorsque c'était des gens qui ne faisait pas partie de sa famille. On se retrouvait démuni, même pour quelqu'un comme lui dont le métier était d'aider à calmer ces situations là.
"Hey salut Rom' " avait ainsi répondu Murphy en répodant à son échange physique. Il était content mine de rien de le retrouver là, d'avoir sa présence à ses côtés. Même si ce n'était pas un "bon" retour, et qu'il aurait préféré que ce soit dans d'autres circonstances, il en pouvait s'empêcher d'être heureux de le revoir et le sentir près de lui. Autrefois, il avait été difficile de séparer Murphy de son frère tant il s'était senti fusionnel avec lui. J'te demande pas si ça va fut la réflexion qu'il s'apprêtait à dire mais Romeo fut plus rapide pour le coup. Il lui annonça qu'il s'était séparé de sa femme et lui demanda s'il pouvait le loger un petit moment. Murphy haussa les sourcils, surpris, se mouilla les lèvres, puis  : "Euh je... Mais oui évidemment, t'es le bienvenue et tu le seras toujours! Et je.. whouah ! Eum, je suis désolé pour ça." Au fond, il n'aimait pas dire cela, qu'il était désolé. Certes, cela manifestait la compassion mais ce n'était pas assez pour lui. Mais c'était la seule chose qui lui avait traversé l'esprit sur le moment et bien sûr, il n'allait pas s'en tenir là. "T'es arrivé quand?"
Autant commencer par le début...

L'étonnement passé, Murphy se laissait aller à des émotions un poil plus positives concernant ces retrouvailles inattendues avec Romeo. Il partageait sa peine, bien qu'il savait que rien ne pouvait égaler celle que pouvait ressentir son frère face à ce qu'il se passait. Il pouvait la comprendre, mais il ne pouvait pas savoir ce que ça faisait vraiment tant qu'il ne l'avait pas vécu lui-même. Ca le rendait impuissant d'ailleurs, Murphy. Lui qui s'avisait à donner des conseils à ses patients et patientes, qui tentaient de soulager la peine endurée, il se retrouvait démuni face à son frère jumeau. S'il pouvait faire un pacte avec le diable pour que son neveu retrouve la vie, ou mieux, s'il pouvait faire un rembobinage en arrière pour éviter cet affreux accident, Murphy le ferait sans la once d'hésitation. C'était bien là une terrible catastrophe, dont on ne se refaisait jamais. Il l'avait appris grâce à son métier et il était inutile de trouver un remède. Tout ce qu'il pouvait faire, c'est de faire apprendre à ses patients et patientes à vivre avec ça.
Murphy hocha la tête lorsque son frère lui expliqua les raisons de sa séparation avec Juliet. Ce n'était pas surprenant dans un sens, ça finissait souvent par arriver. Parfois, c'était l'inverse et ça renforçait le couple mais c'était quitte ou double. "Je te dirais bien là que c'est une bonne décision, mais j'ignore si on peut parler de bonne ou mauvaise décision. En tout cas je... je suis présent, autant pour toi que pour Juliet. Si jamais vous avez besoin de parler, de pleurer ou même juste rien dire, je suis là, tu le sais. Je tiens à vous deux."
Puis Rom l'informa qu'il était arrivé il y avait pas longtemps, et qu'il espérait trouver Murphy en arrivant avant de lui demander comment ça aller. Déconcerté, Murphy se mit à réfléchir à la réponse à fournir sans trop que ça ne passe pour de la pitié. "Oh moi, ça va. Le boulot prenant, j'ai besoin de sommeil mais sinon, je suis pas à plaindre."
Surtout à côté de son frère, Murphy n'avait rien de négatif à revendiquer. Il avait sa petite vie tranquille et pépouze, les aléas du quotidien. Il y avait bien Nina, avec qui il avait échangé un premier contact lors de cette fameuse soirée d'entreprise, mais il n'avait pas envie de l'évoquer pour le moment. Lorsque Romeo demanda s'il ne le dérangeait pas, Murphy exprima un rire étouffé. "Tu ne me dérangera jamais Bro. Jamais! Et encore moins là maintenant que t'as besoin de moi. Je serais présent autant de temps qu'il le faudra."
Il déposa le reste des affaires qu'il n'avait pas eu le temps de déposer avant de se diriger vers le comptoir de sa cuisine américaine. "Tu veux un café?" proposa t-il. "Ou autre chose à boire? N'incluant pas d'alcool, j'entend."
Pas question de faire des dégâts. Alcool et tristesse n'était pas un bon mélange, il préférait opter pour des boissons douces et chaleureuses, réconfortantes avant tout. Il se souvint d'ailleurs que le chocolat chaud était autrefois le breuvage miracle contre la déprime. Un coup de mou, un chocolat et hop, ça allait mieux. Certes, ça ne sera pas aussi efficace pour le coup mais si ça pouvait déjà être un poil rassurant, ce serait toujours cela de gagné.

Murphy hocha la tête en se pinçant les lèvres alors que son frère lui faisait part de son mal être. En même temps, il fallait s'y attendre vu ce qu'il était en train de traverser. Le fait que Romeo lui dise qu'il voulait hurler encore et encore faisait travailler le cerveau de Murphy. Alors qu'il tentait lui même d'échapper au surplus d'émotion de son frère, du moins, par ses ressentis à lui, il essayait là de savoir ce qu'il pouvait faire pour l'aider dans l'instanté. "Je t'en prie, vas y. Fais toi plaisir" l'invita t-il donc de façon sérieuse et pas du tout ironique à hurler. "Si tu veux après on pourra... se poser tous les deux. Tu as déjà fait de la lucha libre? Je me dis, peut être qu'on pourrait s'y essayer. Rassure toi, on est pas obligé de porter le masque."
Il parlait là d'une voix très calme et sans contrainte. Que ce soit une réponse positive ou négative, il lui avait fait cette proposition pour l'aider à se défouler puisqu'à le voir, il en déduisait que son frère en avait grandement besoin.
Puis Romeo lui proposa de faire les corvées en guise de loyer afin de l'héberger. Murphy poussa un rire rire silencieux tandis qu'il se hâtait à préparer le café pour eux deux. "Ne t'en fais pas, ta simple présence me convient" le rassura t-il. "Si tu veux m'aider pourquoi pas, mais je ne t'en voudrais pas si tu ne le fais pas. Il n'y aura aucune excuse pour moi pour t'avoir sous mon toit, tu es comme chez toi ici et tu viens quand tu veux et tu restes autant de temps que tu le veux."
La machine a café fit un bruit sourds tandis qu'elle servait les deux tasses à la fois. Lorsqu'elle termina d'être bruyante, il entendit Romeo lui demander s'il avait des nouvelles de Keith, car il ne l'avait pas eu au téléphone depuis l'incident dramatique qui l'avait conduit à venir ici dans tous ses états. "Keith? Oh, rien d'inhabituel tu sais. Je pense qu'il attends que tu viennes en parler, j'imagine qu'il veut pas te déranger. Tu dois avoir beaucoup à te préoccuper."
Il lui tendit sa tasse. "On pourra aller le voir si tu veux, si tu le sens bien sur. Aucune obligation à cela."
Il trempa ses lèvres dans la boisson chaude en savourant la première gorgée. Le café venait du Mexique, il avait un goût prononcé que lui même affectionnait grandement.

Naturellement, Murphy aurait préféré revoir son frère dans d'autres circonstances. La disparition bien trop prématurée de son neveu l'avait beaucoup attristé lui même, mais le pire était vis à vis des parents. Lui même n'avait pas d'enfant et n'avait pas spécialement prévu d'en avoir un jour. Cela dit, il avait un certain attachement avec eux. Des petits êtres innocents qui ignoraient ce qu'était le bien et le mal et qui agissait de manière totalement naïve, que ce soit en bien ou en mal, c'était touchant. Dans le cadre de son métier, Murphy avait eu à faire à certains d'entre eux, et même si les enfants étaient loin d'être sa spécialité, il y apportait une importance particulière.
Romeo voulait hurler, et cela à juste titre, mais il s'inquiétait pour les voisins. Murphy échappa un rictus, non pas qu'il soit moqueur loin de là, mais disons que les voisins étaient le cadet des soucis pour le coup. "Ne t'en fais pas pour eux, ça devrait aller" lui assura t-il. "Si t'as besoin d'évacuer eh bin évacue. Ca ira mieux après, c'est même en conservant tout en toi que ça empire. Les émotions que tu n'as pas déchargées se manifestent autrement et d'une manière bien moins cool. Si tu as besoin d'être seul, en attendant, je m'exile dans une autre pièce le temps que ça passe, sans être bien loin."
Murphy termina de préparer le café avant d'en proposer à Romeo comme convenu. Ce dernier lui informa qu'il avait besoin de s'occuper car autrement il allait devenir fou. Murphy haussa les sourcils et secoua la tête d'approbation, non pas qu'il considérait son frère jumeau comme fou, mais l'idée d'avoir une occupation était une bonne chose à faire.
"Tu sais quoi? T'as totalement raison! Et si tu veux là ce soir, on sort! Juste toi et moi, comme au bon vieux temps! Quant à ta voie professionnelle, je comprend que tu ais quitté l'hôpital, je pense que j'aurais fait pareil à ta place. Tu as des pistes pour rebondir?"
Bien évidemment, Murphy était volontaire pour proposer son aide là dessus aussi. Il avait pas mal de contact sur New Yok, des gens qui accepteraient de lui tendre la main.
Finalement, la conversation dériva sur Keith. Romeo s'en voulait de ne pas lui avoir donner de nouvelles alors Murphy insista sur son regard dans le sien pour le soutenir et hocha la tête : "Rom, écoute moi bien : Keith comprend. Il ne t'en veux pas le moins du monde, loin de là! Il a lui même ses propres préoccupations avec son métier de capitaine de flics là, et mine de rien, son job demande d'être beaucoup empathique également. Enfin.. je crois. Toujours est il que tu n'as rien à craindre de lui, il serait genre... super content de te revoir!"
Murphy continuait à parler d'une voix douce, sans aucune nervosité dans la voix. Patient comme jamais, il ne comptait pas hausser la voix ou même s'emporter. "Ca lui ferait plaisir qu'on se voit tout ensemble d'ailleurs! Moi le premier! Et même que ça te ferait du bien aussi et penser à autre chose. Même nous on a pas mal de chose à dire depuis tout ce temps alors... t'es le bienvenue. Tu le seras toujours."
Sur ces mots, il termina d'un trait sa tasse de café.