Ce n'était pas un réveil agréable. A quelle heure s'était-il couché la nuit dernière? Il ne s'en rappelait plus. Toujours était-il que ce fut le bruit intempestif de perceuse qui l'avait arraché à son sommeil si doux, si délicat, si tendre! Lui qui faisait régulièrement des cauchemars nocturnes, ou du moins, pendant qu'il dormait, au moment où ça se passait bien, il avait fallu que ce goujat fasse des travaux!
Il avait grogné et il avait été sur le point d'aller rendre une visite surprise à ce parasite avant de se résigner, constatant que le soleil était levé et qu'il était probablement en pleine journée. Il lâcha ainsi plusieurs insulte en chinois avant de se lever, râler fortement au moindre bruit de perceuse. Sous la douche, il l'entendit sans cesse et pour couronner le tout, lorsqu'il voulu se servir de café, il se rendit compte qu'il n'en possédait plus une miette. Il pencha la tête vers l'avant jusqu'à ce que celle ci ne touche l'îlot de sa cuisine, vaincu. Il se massa le cou, avant que son voisin ne lui rappelle son existence.

"C'en est trop..." avait-il ainsi déclaré avant de prendre ses affaires, enfiler un manteau, oubliant son téléphone au passage. Après tout, il ne s'en servait pas autant que cela. Il avait passé tout son séjour en Chine sans, il n'avait donc pas ce réflexe.
Ce fut tout grognon que ses pas l'ammenèrent jusqu'à la gare. Il avait l'habitude de s'y rendre depuis qu'il avait remis les pieds dans cet endroit et bien que le monde affluait, il devait admettre que cela était une belle bâtisse. Il entra alors dans le café de la gare avant de s'installer mécaniquement à une table. Le monde ne manquait pas et comme celle ci n'était pas trop remplie -une seule personne-, il avait ainsi donc décidé de s'y installer.
Il touilla son café pour mélanger le sucre et la connerie de chantilly dessus avant d'avaler à grandes gorgées le tier de son gobelet. Il se rendit compte à cet instant qu'il avait oublié son téléphone, soupira, puis il posa son regard sur la gare. "Tiens, il y a un chien abandonné au milieu" dit-il à haute voix, à l'intention de personne. C'était plus une réflexion qu'autre chose.

Tandis qu'il fixait l'animal, la personne en face de lui s'anima. Au départ, l'ancien militaire n'y porta pas plus que cela d'attention, puis finalement, un agent vint chercher le chien ce qui soulagea l'humain qui se tapissait sous la peau de Hazel. Il observa ainsi la femme qu'il avait en face de lui, jeune et qui sortait manifestement de sa lecture.
"Oh ce n'est rien, je ne voulais pas vous déranger" admit Hazel en toute sincérité. "Vous lisiez quoi d'ailleurs?"
Depuis qu'il était de retour au pays, la lecture américaine ou même occidentale lui était... lointaine. Déjà parce que dans tous les cas, il avait des soucis avec cela, mais aussi parce que les derniers bouquins qu'il avait eu entre les mains étaient écrits en chinois et que l'expérience de lecture n'était pas vraiment la même. D'une certaine façon, depuis cela, il avait le sentiment d'avoir un peu plus de facilité en lecture et c'était pas plus mal.
L'inconnue lui raconta ensuite ses projets de week-end chez ses parents et Hazel se demanda pourquoi elle lui disait ça. Il savait qu'il pouvait avoir l'allure d'un papi étant donné qu'il n'était pas de la dernière pluie, mais si elle voulait se la jouer Forrest Gump, ça ne l'embêtait pas non plus.
"Oh. Villa, carrément. Les Hamptons, huh? Pas mal pas mal! Vous allez revenir tout de même?" se prêta t-il ainsi au jeu.
Ainsi il serra la main qu'elle lui tendait, se présentant sous le doux nom de Natalya. Elle ne semblait pas méchante, au contraire, elle inspirait plutôt confiance. "A vrai dire, je ne sais plus trop qui je suis pour ma part, ce qui sort pas mal de l'ordinaire je dois reconnaître... Mais on m'appelle encore Hazel. Comme l'arbre."
Il anticipait la question, tant il avait l'habitude. Au départ, il détestait son prénom mais il avait apprit à l'apprécier avec le temps. Il connaissait bien des gens qui était dans son cas d'ailleurs...
"Ne vous obligez pas à répondre si vous en avez pas envie mais, par curiosité... vous avez quel âge Natalya?"
Il n'était pas en train de la scruter mais depuis qu'il avait apprit qu'il était père d'une jeune femme, soudainement, il se mettait à y penser. C'était même omniprésent dans sa tête, sa vision des choses étant radicalement différente à présent. C'était comme s'il naissait à nouveau, et cette fois ci, ce n'était pas parce qu'il avait été déclaré mort.