Le tant attendu retour à la maison. Enfin, il y était. Huit mois et quelques jours après avoir quitté le sol new-yorkais pour la dernière fois, il y était de retour. Si la mission pour laquelle il était parti à la fin de l’été, après la période de préparation et d’entrainement nécessaire à la base de Houston, s’était déroulée comme prévu, il ne serait pas encore de retour au pays. Cependant il ne considérait pas ce retour prématuré de quelques semaines comme une chance. La seule réelle chance qu’il avait et dont il était plus ou moins conscient selon les moments de la journée, c’était celle d’être de retour chez lui, tout court, qu’importe que ce soit en avance ou dans les temps prévus. Tout ses coéquipiers ne pourraient pas en dire autant. Matt peinait encore à réaliser ce qui s’était passé, là-bas, dans cet hôpital somalien. Ils avaient vécu un cauchemar, ils avaient tous péri. Et lui, il avait survécu. Comment ? Il n’en avait absolument aucune idée. Tout ce dont il se souvenait c’était la peur qui avait pris possession des lieux, l’odeur si caractéristique après un tir d’arme à feu, la chaleur, la douleur vive des balles qui l’avaient atteint et le feu. Evidement qu’il s’était vu y rester. Comme tous ses compagnons d’infortune. Mais il avait survécu. Rapatrié très vite aux Etats-Unis, près de la base de Houston, il y était resté hospitalisé pendant quatre longs mois avant d’être, enfin autorisé à rentrer chez lui, sur la Côte Est, pour poursuivre sa convalescence. Son bras cassé allait mieux, il retrouvait petit à petit sa mobilité, c’était d’ailleurs sa blessure la plus benine. Ses brûlures qui, par chance, n’étaient pas trop étendues, localisées plutôt dans le dos, cicatrisaient lentement mais étaient en bonne voie grâce aux bons soins du corps médical. Psychologiquement, il lui avait été conseillé de voir un psy. Il en avait vu un , régulièrement pendant ces mois d’hospitalisation. Mais à quoi bon ? Il n'avait pas l'impression que cela menait où que ce soit. Les cauchemars avaient toujours été là, à presque tous les retour de zones de guerre. Ils finiraient, comme toujours, par se dissiper, se faire plus rares et puis des cauchemars, d’aussi loin qu’il s’en souvienne, il en avait toujours fait, depuis la mort accidentelle de sa mère. Ces derniers temps ils étaient certes beaucoup plus intenses, plus réels qu’ils ne l’avaient jamais été mais ils étaient proportionnels à ce qu’il avait vu, ce qu’il avait vécu et ils finiraient sûrement par s’estomper. Et puis de toute façon, il ne dormait pas beaucoup, peut être même de moins en moins mais ça n’était pas un problème non plus, pour le moment il était au repos forcé sans aucun horaire à respecter donc ça n’était pas si grave.

C’était étrange de revenir ici, à New-York, chez lui, sans savoir quand il allait repartir. Depuis qu’il s’était engagé dans l’armée quand il avait 19 ans, il était toujours revenu dès lors qu’il avait la possibilité de le faire… Houston et New York n’étaient pas si loin l’une de l’autre, trois heures et demi d’avion et le tour était joué. Les personnes dont il était les plus proches étaient ici et par là il entendait surtout sa famille. Sa famille de coeur puisqu’il n’avait pas eu la chance de grandir avec sa mère et son père biologique mais qu’importe. Il ne s’était jamais estimé malchanceux d’avoir croisé les Parks sur sa route, Margarette et Blair, mais aussi Eden leur fille biologique qui était devenue sa soeur de coeur. De son point de vue, toutes les trois étaient certainement ce qu’il y avait de plus proche de l’incarnation des anges sur la terre. Jusqu’à maintenant, à chaque fois qu’il était revenu, il avait toujours su la date à laquelle il repartirait vers le Texas mais pas cette fois et c’était une sensation étrange dont il ne pouvait pas dire si elle était désagréable ou non. Il avait eu tôt fait de mettre cette sensation de léger malaise qui l’étreignait, depuis qu’il était sorti de l’hôpital, sur cette incertitude et le fait qu’il allait devoir changer ses habitudes de vie le temps de sa convalescence. De retour chez lui, dans son appartement du Queens, il avait tout juste pris le temps de déposer ses affaires. Il viderait ses valises plus tard. Pour le moment il avait une autre priorité, aller rendre visite à Eden en espérant qu’elle se trouve chez elle. Il avait su, par Margarette et Blair, qui avaient été autorisé à lui rendre visite pendant son hospitalisation, que sa soeur avait vécu un drame pendant son absence et il était inenvisageable pour lui de ne pas aller la voir dès maintenant.

Eden vivait à quelques rues de la alors il avait choisi de s’y rendre à pieds, ayant cruellement besoin de retrouver de la condition physique. Sur le chemin en direction de l’appartement de la blonde, tout lui semblait différent et pourtant rien n’avait vraiment changé ses derniers mois dans le Queens. Certains magasins avaient ouverts, d’autres avaient baissé le rideau mais, globalement tout était comme lorsqu’il était parti huit mois plus tôt. Etait ce lui qui avait changé ? Sa perception des choses ? Après quelques pas, il avait enlevé ses écouteurs, ressentant ce besoin presque viscéral de rester aux aguets du moindre bruit. Chaque bruit plus fort qu’un autre le faisait tressaillir. Le retour à la vie normale n’était donc pas une chose si simple. il avait malgré tout pris le temps de s’arrêter dans une boutique qu’il connaissait bien pour apporter à Eden un présent, comme il en avait toujours eu l’habitude. Il était ressorti de la petite échoppe avec une boite de ce qu’ils avaient élu, quelques années plus tôt, comme les meilleurs cookies du Queens. Quelques minutes plus tard, dans un délai plus long que ce qui lui était habituellement nécessaire, il était parvenu au pied de l’immeuble de sa soeur. Il inspira profondément pour faire ralentir son rythme cardiaque qui se trouvait être anormalement haut et tenter de retrouver un semblant de la sérénité qui lui avait échappé pour une raison qu’il ne parvenait pas à déterminer réellement. Après avoir tapé le code d’entrée du hall qu’il connaissait par coeur, il avait gravi les escaliers pour parvenir sur le palier d’Eden. Il avait pris quelques secondes pour souffler avant de frapper, s’efforçant d’afficher un sourire le plus naturel possible. Il n’eut plus à se forcer lorsque la porte s’ouvrit sur le visage de la demoiselle. « Hey, Salut Soeurette. »

 

Il n’avait pas eu le temps de réfléchir mille ans avec que la porte ne s’ouvre. Et pourquoi réfléchissait il d’ailleurs ? Ça n’était pas la première fois qu’il revenait après des mois d’absence. Avec les années qui avaient passées il en était loin d’être à ses premières retrouvailles avec ses frères et soeurs. Seulement cette fois les choses étaient différentes. D’extérieur tout semblait pareil mais c’était loin d’être le cas. Il avait failli ne jamais revenir mais ça n’était pas vers cela que ses pensées étaient tournées. Elles étaient tournées vers le drame qu’avait vécu sa soeur en son absence. Il n’avait eu aucun contact avec elle depuis qu’il avait appris la nouvelle et il redoutait un peu l’état dans lequel il allait la trouver parce qu’il était évident qu’elle n’allait pas bien. A peine la porte ouverte, Eden l’avait serré dans ses bras et il en avait fait de même. Malgré les circonstances, il était heureux de la revoir, elle était sa soeur et il ne pourrait jamais être assez reconnaissait envers elle de l’avoir accepté dans le foyer chaleureux créé par ses mères. « J’ai atterrit à New-York il y a seulement quelques heures… c’était bizarre d’être chez moi alors je me suis dit que j’allais venir te voir. » Bizarre d'être chez lui alors que durant ses longues semaines d'hospitalisation il n'avait rêvé que de pouvoir enfin rentrer, le cerveau humain était fait d'une bien étrange manière. Finalement elle s’était reculée et il avait pris le temps de la regarder, sans étonnement il constata qu'elle avait les traits tirés et la mine fatiguée. Il ne savait pas ce qu’elle traversait mais il avait déjà connu des deuils douloureux alors il pouvait au moins l’imaginer. Sur l’invitation de la jeune femme il était entré dans cet appartement qu’il connaissait constatant que l’ordre qui y régnait habituellement n’était pas au rendez vous. « J’imagine que tu n’as pas très faim mais… je t’ai emmené des trucs à grignoter. » Avait il dit avant de poser la boite de gâteaux sur la table basse du salon. Il était ensuite revenu près d’elle. « Comment tu te sens ? Je suis rentré maintenant, si tu as besoin tu sais que je suis là pour toi. » Il avait eu toutes les peines du monde à tourner sa phrase correctement. Il ne pouvait pas lui demander si elle allait bien, la réponse était d’une évidence effrayante. Quant à comment elle se sentait, il s’en doutait mais il devait bien dire quelque chose alors même qu’il n’avait pas de mots. Il aurait pu dire qu’il était désolé de ce qui lui était arrivé, que son défunt mari ne méritait pas ça, pas plus qu’elle mais elle avait déjà dû l’entendre tant de fois. La seule chose qu’il pouvait faire c’était de l’écouter si elle avait besoin et surtout d’être là pour elle comme elle avait été là pour lui, alors qu'ils ne se connaissaient même pas encore, lorsqu’il était arrivé chez les Parks quelques jours après avoir perdu sa mère.