Deux heures du matin. Réveil en sueur, le coeur battant à tout rompre. Matt s’était violemment redressé dans son lit. Encore un cauchemar. Un de ces cauchemars plus vrai que nature où il revivait inlassablement cette scène qu’il ne parvenait pas à comprendre. Des fois tout se mélangeait dans son esprit et des visages de missions passés lui revenaient. Les yeux grands ouverts, la respiration saccadée, il fixait le mur en face de son lit, reprenant doucement contact avec la réalité. Tout ça n’était que dans sa tête. Rien de plus. Il était bien là dans son appartement du Queens et pas en Somalie. Le problème était que, tout ceci avait beau être fictif, il ne parvenait pas à se sortir ces images de la tête, son corps ayant gardé en mémoire toutes les sensations qui l'avaient traversé ce jour là. Et, ce n’était pas que ses nuits qui étaient hantées par ces visions de chaos. Plus les jours passaient, plus les flash-back lui revenaient, en plein jour, quoi qu’il fasse, il ne suffisait pas de grand chose pour le ramener en zone de guerre. Un bruit, une odeur, souvent imperceptible pour autrui. Cela faisait maintenant une bonne semaine qu’il était rentré et, vivre éloigné de la base militaire n’arrangeait pas franchement les choses. Peut être qu’il lui fallait encore du temps. Mais la patience n’avait jamais été son fort et il se haïssait souvent d’être si faible. Pour éviter de ruminer et parce qu’il ne se rendormirait certainement pas, il s’était levé et s’était dirigé vers la fenêtre pour observer le ciel nocturne. Il avait toujours aimé les étoiles, observer l’immensité de l’univers avait quelque chose d’apaisant.

Depuis qu’il était rentré, il avait essayé de reprendre une vie normale mais ça n’était pas une chose facile. Où qu’il aille, il ne s’y sentait pas réellement chez lui. C’était la première fois qu’il avait cette impression désagréable en revenant dans sa ville d’enfance. Il avait tenté de retourné courir mais, sa condition physique n’était plus ce qu’elle était et ses cicatrices n’étaient visiblement pas prêtes. Le chemin serait plus long que ce qu’il avait cru dans un premier temps, avant de pouvoir espérer reprendre travail. Il préférait ne pas trop y penser pour le moment, son avis là dessus était encore trop confus. Après quelques minutes de réflexion, il avait envoyé un sms à Beck pour savoir si celui-ci serait chez lui aujourd’hui. Il n’était pas encore allé le voir, après plusieurs mois d’absence, pas plus que Morgane ou Lou. En réalité, il n'avait été rendre visite qu'à Eden. Ce n’était pas dans ses habitudes. Ils étaient tous sa famille de coeur et les personnes qui comptaient le plus pour lui, il avait pris l’habitude de passer un peu de temps avec eux à chaque fois qu’il était libéré de ses obligations professionnelles. Seulement, il fallait affronter l’extérieur et certains jours cela lui paraissait insurmontable. S’il ne se décidait pas à sortir de chez lui pour aller retrouver les siens, cela finirait pas créer de l’inquiétude et c’était la dernière chose qu’il souhaitait. Et aujourd’hui, malgré ce réveil mouvementé, il ne se sentait pas trop mal physiquement. Le mental n’aurait qu’à suivre et tout se passerait bien. Pour se remettre, il devait soigner le mal par le mal et se faire violence.

Beck avait répondu dans la matinée, indiquant être chez lui une bonne partie de la journée et Matt avait prévenu qu’il passerait sans doute. Il n’avait pas précisé d’heure, par sécurité. Parce qu’il n’était pas convaincu de réussir à tenir un timing précis pour le moment. La matinée était passée et l’après midi débutait doucement sous les rayons de soleil presque printaniers, quand le brun jugea que c’était le moment opportun pour sortir. Sortir était une véritable épreuve tant le monde extérieur semblait bien plus menaçant. Tout ça n’était sûrement que dans sa tête, seulement son intuition était très peu fiable ces derniers temps, son instinct de survie reprenant souvent le dessus sans véritable menace apparente. Cette sensation désagréable qu’il ne pouvait pas vraiment décrire avec des mots ne le quitta pas jusqu’à arriver sur le pas de la porte de Beck. Il n’avait jamais trouvé cet endroit si rassurant qu’aujourd’hui. La mine soudain bien plus détendue, impatient de revoir Beck, il avait rapidement sonné à la porte.

 

Brotherly Time

Matt avait toujours été proche de Beckett. Ils n’avaient pas vécu longtemps ensemble sous le toit des Parks mais parfois l’attachement ne se mesurait pas au nombre d’années passées ensemble. Certains liens étaient bien plus subtils, bien moins évident à saisir que d’autres. C’était d’ailleurs quelque chose qui était vrai pour chacun de ses frères et sœurs de cœur, peu importe les années passées dans la grande maison de Margarette et Blair Parks. Quand Beck avait quitté le foyer, ils étaient restés en contact et, lorsqu’il partait en mission extérieure, c’était certainement avec lui qu’il avait le plus de correspondances. Le trajet jusqu’à la maison du journaliste lui avait semblé long, bien plus que la normale mais il savait que c’était, une fois encore, un tour que lui jouait son cerveau et que toutes ses sensations étaient faussées. Il ne fallut pas plus de quelques minutes pour que la porte de la maison s’ouvre sur un adorable petit bonhomme. Nicky affichait un sourire radieux, Matt ne put s’empêcher de lui faire remarquer à quel point il avait grandi depuis la dernière fois qu’il l’avait vu. En huit mois, les enfants de cet âge changeaient beaucoup, rappelant à Matt que le temps défilait à une vitesse folle même s’il avait l’impression d’avoir laissé sa vie en suspens depuis quelques mois. Il ne fallut pas plus d’une minute pour que le père du petit bambin finisse par les rejoindre sur le pas de la porte. Voyant Beckett s’avancer, Matt qui s’était baissé pour se mettre à la hauteur de Nicky s’était redressé pour le saluer comme il se devait après une si longue séparation. « Salut Beck ! Content de te revoir. » Les retrouvailles étaient chaleureuses. Comme toujours puisqu’ils étaient désormais rôdés aussi bien aux au revoir qu’aux retrouvailles. Ces retrouvailles ci avaient une saveur particulière, ils n’avaient pas besoin d’évoquer les circonstances de ce retour à la vie civile, Matt était bien conscient qu’il avait bien failli ne plus jamais revenir. Avoir survécu à un drame dont personne d’autre n’avait réchappé n’était pas un poids facile à porter tous les jours. L’étreinte fraternelle que lui offrait son frère de cœur venait lui réchauffer le cœur tandis qu’il sentait Nicky lui serrer la jambe, désireux, lui aussi de participer à ces retrouvailles. Quelques instants plus tard, Matt emboitait le pas à Beck et son fils, en direction du salon dans cette maison qu’il connaissait bien. « Un soda si tu as, j’ai besoin de sucre, ma condition physique n’est plus ce qu’elle était. » Triste réalité, quatre mois sur un lit d’hôpital à se nourrir de repas d’hôpitaux lorsqu’il était capable d’ingérer quelque chose, ne lui avait pas réussi. Pas plus qu’à n’importe qui d’autre. Alors que Beck’ leur avait faussé compagnie quelques instants, Matt s’installa dans le salon toujours sous bonne escorte de son adorable neveu qui lui agitait sous le nez un magnifique dinosaure dont il était très fier. Evidemment, le brun n’était pas venu les mains vides et il ne tarda pas à sortir de sa poche une petite peluche de léopard qu’il avait ramené de Somalie, le léopard étant l’emblème du pays. A chacune de ses missions, il ramenait toujours quelque chose à Nicky, c’était une tradition. Celle-ci n’avait pas exception, heureusement qu’il n’avait pas attendu le dernier moment pour trouver quelque chose pour son neveu. Beckett avait finalement fait son retour, des verres à la main, interrompant une conversation très sérieuse dont la question primordiale était de savoir qui du t-rex ou du léopard courrait le plus vite. Matt adressa un large sourire à son hôte tout en le remerciant pour la boisson. « Je suis content d’être de retour aussi. Quatre mois sur un lit d’hôpital à ne pouvoir pas faire grand-chose fait rapidement prendre conscience que l’autonomie est une chose précieuse ! ». Il avait ri légèrement avant de reprendre plus sérieusement. « Comment tu vas depuis le temps ? Tu dois avoir pas mal de choses à me raconter. ». Matt était impatient de savoir ce qui s’était passé dans la vie de son frère ou dans celle de Nicky ces derniers mois. Ils leur avaient manqué, Beck’, Nicky et tous les autres membres du foyer Parks, sa famille. Ce qu’il avait vécu lui avait fait prendre, plus encore, conscience de l’importance de ces moments d’apparences anodins lui qui, ayant perdu sa mère très jeune, en savait déjà quelque chose.
 

Brotherly Time

Il n’avait pas eu un démarrage facile dans la vie mais, s’il y avait bien une chose pour laquelle il se considérait chanceux, c’était, dans son malheur, d’avoir atterri chez les Parks. L’histoire de Beck était bien différente de la sienne mais ils avaient ce point commun de n’avoir pour seule véritable famille que celle qu’ils s’étaient construite. Matt était heureux de pouvoir compter Beck parmi ses proches, de pouvoir dire qu’il était son frère, même s’il ne l’était pas réellement aux yeux du monde, les liens du coeur restaient les plus importants. Au même titre qu’il éprouvait un réel amour fraternel pour Beck, il considérait Nicky comme son neveu et, quand il regardait le petit garçon il n’avait aucun doute sur les liens familiaux et indéfectibles qui les unissaient.

Se retrouver là, dans l’entrée de la maison de son frère avait une saveur particulière. Il avait toujours eu besoin d’un temps de réadaptation lorsqu’il revenait d’une zone de guerre, pour reprendre le cours de sa vie normale, mais cette fois, alors qu’il pensait être habitué à tout ça, c’était encore différent. Il était revenu sur le sol américain depuis de longues semaines déjà et pourtant c’était comme si son esprit était encore coincé la-bas, à l’autre bout du monde. Son cerveau lui faisait revivre, sans cesse les mêmes scènes insoutenables et qui ne devenaient pas plus tolérables au fil du temps, bien au contraire. Les images ne l’avaient pas quittées lorsqu’il était sortit de l’hôpital et qu’il avait, enfin pu regagner sa ville et ses proches. Il avait souvent l’impression d’être dans une réalité parallèle où ses sens et ses réflexes qui étaient, normalement, plutôt fiables et excellents, étaient complètement altérés et ou tout était démultiplié. C’était la sensation qu’il avait eu en venant jusqu’ici, traversant les rues animées de ce quartier qu’il connaissait pourtant sur le bout des doigts. Arriver dans cet endroit qui lui était si familier, voir les visages de son frère et la bouille adorable de Nicky qui souriait de toutes ses dents lui amenait une sensation d’apaisement si salutaire qu’il en venait à se demander si tout cela était bien réel. Après avoir traversé l’enfer, ce genre de moments si simples lui apparaissaient totalement irréels. « Tu as raison, j’ai eu de la chance sur ce coup là. » Il ne savait pas comment il s’en était sorti et encore moins pourquoi. Il avait eu de la chance, beaucoup de chance, on le lui avait répété des centaines de fois depuis ce fameux jour. Décidément, pour un gamin mal parti dans la vie, il avait souvent eu de la chance finalement. En voyant Beck et Nicky il était d’autant plus conscient de tout ça. « Je ne te le fais pas dire, il grandit à une vitesse folle ! C’est sûrement grâce aux délicieuses pâtisseries de Rebecka ! Comment vas t’elle d’ailleurs ? » Rebecka était la meilleure amie de Beck depuis des années maintenant, sans la connaître vraiment, pour Matt, elle faisait partie du paysage, elle comptait beaucoup pour son frère mais également pour Nicky. Pour cela elle avait donc toute la confiance de Matt, sans compter qu’elle était une pâtissière hors paire dont il ne se lassait pas de déguster les réalisations à chaque fois qu’il rendait visite à Beck. « C’était long… très long. Tu me connais j’ai besoin de mouvement alors là…  mais je suis entier alors je m’en tire bien je crois. » La convalescence à l’hôpital avait été longue et difficile. Arrêter de bouger, devoir rester tranquille, presque immobile avait été la pire épreuve à traverser, surtout après ce qui était arrivé. Depuis jeune il avait pris l’habitude d’évacuer la colère, la frustration, la tristesse et toutes les émotions qui risquaient de déborder par le mouvement. Depuis toujours le sport avait été son meilleur exutoire face aux épreuves de la vie, ce qui lui permettait de garder un certain équilibre. Cette fois il avait dû faire face et, comme toujours l’immobilité amenait un trop plein de pensées pas forcément très positives dans son esprit. Il était encore en convalescence pour quelques semaines mais au moins il pouvait bouger alors, oui, il allait souvent plus vite que son corps ne lui permettait et il était rappelé à l’ordre par les douleurs mais il était libre de ses mouvements. Pour ce qui était du côté psychologique, il préférait ne pas en parler, il n’avait rien commencé de ce qui lui était recommandé parce qu’il était persuadé de s’en sortir tout seul, comme les fois précédentes.