Zara les a cherché longtemps sur les brocantes, les écumant dans l’espoir futile que quelqu’un s’en séparerait afin de ramener quelques deniers dans sa poche, dans l’espoir qu’une mère de famille les vendrait pour faire de la place dans la bibliothèque de son enfant, dans l’espoir qu’une personne désire reléguer aux autres les vestiges de son enfance. L’intégrale de ses Harry Potter première édition a disparu lors de son déménagement dans son appartement. Elle en a voulu au monde entier, tenant à ces livres comme à la prunelle de ses yeux. C’est pour elle la saga à avoir dans sa bibliothèque, un doux retour aux années passées, où l’insouciance régnait en maître, côtoyant des rêves délirants et une liberté sans barrières. Ses parents s’étaient ruinés pour pouvoir réussir à réunir toute la collection, l’ayant commencé à la sortie du premier tome en 1997 et la terminant dix années plus tard, alors que Zara n’était âgée que de neuf ans. Lorsque Zara était en âge de comprendre une histoire, sa mère lui avait lu le premier livre, enjolivant un peu les passages qui pouvaient heurter sa sensibilité. Et elle avait continué au fil des années et au fur et à mesure que ses filles grandissaient. On lui a légué la collection, étant donné qu’elle est la première née et qu’elle les voulait absolument. Et leur disparition… Zara aurait été prête à remuer ciel et terre et a soupçonné tout le monde, avec des doutes plus intenses sur sa sœur qui les convoitait fortement aussi. Etrangement, cette dernière n’avait pas démenti les avoir volés ni le contraire d’ailleurs. Quand la rouquine va chez elle, elle laisse innocemment son regard traîner ici et là, espérant retrouver ses précieux ouvrages. Mais, soit la gourgandine les a bien dissimulés, soit elle ne les a vraiment pas en sa possession. Toujours est-il que depuis leur disparition, Zaza les recherche, sans jamais faiblir. A défaut de ne pas les trouver sur les brocantes, elle espère que ses recherches sur le net seraient fructueuses. Et là, alors qu’elle a-écumé des dizaines de sites différents, sans résultats, la collection complète s’est affichée sous ses yeux. Sans réfléchir, Zara a cliqué sur commander, et a réglé, sans faire attention aux détails, comme la livraison ou le lieu où le colis serait livré. Et aujourd’hui, elle a reçu un sms lui indiquant que sa commande était bien arrivée, à la librairie Cheshire’s Book, dans le Bronx. Allons bon, il lui faudrait prendre le ferry pour y aller mais qu’importe. Au moins, elle aurait son précieux sésame entre les mains ! Ni une ni deux, elle a pris ses affaires et s’en est allée, le coeur gonflé de joie et impatiente d’avoir un bout de son enfance entre les mains.
Après un temps interminable dans les transports en commun, elle finit par arriver devant le Cheshire Book. Jolie vitrine, devanture agréable, un immense sourire s’empare de son visage lorsqu’elle pousse la porte. Et son sourire s’efface lorsqu’elle voit des chats. Son cœur se serre à l’idée que, bien qu’elle trouve ces animaux d’une grande beauté, elle en est allergique. Allons bon, elle se dit que si elle est rapide, elle n’aurait pas de réaction et pourrait s’en aller tranquillement. Pourtant, après quelques pas et deux-trois minutes dans la librairie, elle sent les premières manifestations de l’allergie : ses yeux commencent à la piquer, comme si du sable s’est infiltré sous ses paupières, elle est même sûre qu’ils commencent à devenir rouges. Son nez commence à couler, et bien évidemment, elle n’a ni mouchoirs ni ses antihistaminiques avec elle. Elle éternue, envoyant un peu de fluide corporel sur un joli chat bien touffu qui paresse tranquillement sur une pile de livres. “ Oh non…” gémit-elle en s’essuyant le nez avec le rebord de sa manche.


@Lorcán Cunningham