La matinée avait été fraiche mais ensoleillée. Petit à petit l’hiver laissait place au printemps et la nature était en train de se réveiller doucement. Morgane et Matt avaient bien choisi leur journée pour prendre le temps d’aller manger quelque chose ensemble. Depuis qu’il était revenu à New-York, il n’avait vu sa soeur que lors des brunchs dominicaux du foyer Parks. Matt appréciait particulièrement ce genre de moments de partage avec ceux qui étaient sa seule famille. D’autant plus depuis qu’il avait failli mourrir. Sentir la fin arriver apportait son lot de traumatisme mais avait également cette faculté à faire apprécier d’avantage les moments simples que la vie pouvait offrir. Après avoir perdu sa mère alors qu’il était très jeune et avoir été rejeté, pour la seconde fois par son père biologique, il avait toujours été conscient de la chance qu’il avait eu de se retrouver dans un endroit comme le foyer des Parks. Tous les enfants qui se retrouvaient sans leurs parents n’avaient pas cette chance de se retrouver dans un lieu aussi chaleureux où il était facile, malgré les traumatismes, de trouver une place. Morgane était arrivée bien longtemps après lui au foyer, quelques semaines à peine avant qu’il ne le quitte mais, les liens s’étaient malgré tout crées.  La musique et le sport les avaient doucement rapprochés et, comme toutes les autres âmes en perdition passées par la maison des Parks, elle était devenue un membre de sa famille. Depuis longtemps maintenant, ils avaient pris pour habitude de passer des moments ensemble, en dehors des réunions familiales, dès qu'il était de retour en ville et qu'elle avait un peu de temps. Parfois ils allaient à des concerts, parfois à des matchs, la ville de New-York regorgeant de toute manière d’occasion de sortir dans ces deux domaines et parfois, comme aujourd’hui, ils se retrouvaient simplement autour d’un verre, d’un repas ou même d’un simple sandwich pour discuter. Le point de rendez-vous était fixé à Central Park, près d’un terrain de basket qu’ils connaissaient bien tous les deux. Le brun était arrivé en avance alors, en attendant sa soeur, il s’était accoudé contre une barrière observant un match entre deux équipes de lycéens d’un établissement du quartier.

S’il y avait bien une chose qu’il avait appris en vivant chez les Parks, c’était que les liens biologiques n’étaient pas si importants qu’on essayait de le faire croire, pour définir ce qu’était une famille. Le temps passé ensemble, sous le même toit, n’était pas non plus un critère absolu pour définir une relation. Qu’il ai passé seulement quelques semaines ou des années à vivre avec Morgane, cela ne changeait rien. Il considérait la jeune femme comme sa soeur et ce depuis le premier jour où elle avait passé la porte du foyer Parks. Il se souvenait de son arrivée comme si c’était hier, il se rappelait de l’adolescente qu’elle était et il était d’autant plus admiratif de la femme qu’elle devenait aujourd’hui car la vie ne l’avait pas épargnée. Loin de là. Comme tout ceux qu’il avait côtoyé au foyer. A tel point qu’il s’estimait souvent chanceux de sa propre situation.

Il n’avait pas fait attention à l’heure, pour tout dire il n’était pas pressé le moins du monde. C’était d’ailleurs une bien étrange sensation pour lui qui, d’ordinaire avait toujours un timing précis, un emploi du temps à respecter. Etre obligé de prendre un temps de pause n’était pas chose facile pour quelqu’un comme lui, toujours habitué à vivre à cent à l’heure. Mais, il n’avait pas vraiment le choix. S’il était en avance sur l’heure de rendez vous programmé avec Morgane, c’était parce qu’une fois de plus, il s’était dispensé de se rendre à l’un de ces rendez vous où l’armée l’incitait fortement à se rendre suite à ce qui lui était arrivé lors de sa dernière mission à l’étranger. Près du petit terrain de basket perdu dans la grande étendue qu’était Central Park, il observait d’un oeil attentif un match de lycéens. Il savait que Morgane le retrouverait sans problème, elle le connaissait assez bien pour cela et ce terrain n’était pas un lieu secret pour elle, ils avaient passés suffisamment de temps ici durant leurs plus jeunes années. Totalement absorbé par le match intense que se livrait les deux équipes alors que l’enjeu ne devait pas être si important que cela, il n’avait pas entendu sa soeur arriver. Si bien qu’il avait sursauté lorsqu’elle s’était accoudée à côté de lui. Son coeur avait ralentit sa course pour retrouver, petit à petit un rythme normal lorsqu’il avait posé les yeux sur le visage de la jeune femme qui se tenait désormais à côté de lui et un sourire franc s’était dessiné sur ses lèvres alors qu’il s’emparait du gobelet cartonné qu’elle lui tendait. « Tu me connais toujours aussi bien. » Avait il dit en sentant l’odeur caractéristique d’un café noir émanant de son gobelet. Lorsqu’elle avait pris la parole, il s’était tourné vers elle, reportant désormais toute son attention sur elle, un large sourire aux lèvres. « Et je t’ai suffisamment traumatisée pour que tu te te souvienne encore de tout aujourd’hui ? » Il avait rit. Lui aussi se souvenait encore des après midi et des soirées passés avec elle à regarder des matchs, décortiquant les actions secondes par secondes pour lui apprendre les règles. Il se souvenait aussi d’elle dans le rôle du professeur lorsqu’elle lui avait appris à jouer de la basse, rien qu’en y pensais, ses doigts lui faisaient mal. « Ca me manque aussi, c’était vraiment une bonne époque… J’avoue que je n’ai jamais compris comment on pouvait préférer le baseball au basket mais bon…  » C’était évidement une plaisanterie mais il se souvenait très bien que sa soeur s’était prise de passion pour le baseball pendant un temps, le sport avec les matchs les plus longs qu’il avait été amené à voir. Il avait ensuite jeté un regard interrogateur à sa soeur alors qu’elle évoquait le propriétaire du lieu où elle vivait désormais. Dès qu’elle lui avait montré la photo, il n’avait eu aucun mal à reconnaitre Cassian Fitzgerald, joueur de hockey pour l’équipe des Rangers de New York. « Ah ouais ? Décidément sacrée coïcidence… Et est ce qu’il est aussi brute dans la vie quotidienne que sur ses patins ? Si un jour il décide de te filer des places gratuites pour ses matchs, pense à moi, ça fait longtemps que j’ai pas été voir un match de hockey.» C’était certes, comme l’avait dit Morgane, un excellent joueur de hockey mais il ne faisait pas partie des plus tendres. « Sinon comment tu vas toi ? »