T’as une tache… Pistache.

Loki regarde le téléphone. Le dernier message d’Ambrosio est apparu il y a quelques dizaines de secondes. « Profite »… Profiter de quoi ? Du fric dépensé ? Il n’aime pas trop ça. Loki regarde à nouveau le site du restaurant. C’est tellement pas pour lui, ça… Il va… se sentir tellement tache… Rien que de voir le prix des plats, ça lui donne mal au cœur. Et puis d’abord, comment elle est venue cette invitation à un restaurant ? Il ne sait même plus. Ils discutaient et hop, c’est arrivé comme ça, sur le tapis. Sol est à ses pieds, inquiète. Parce que lui est inquiet. Il gratte entre les oreilles de la chienne, l’endroit qu’elle préfère pour la rassurer. Il hésite à tout annuler. Finalement, ses doigts cliquent sur les « ok » et sur d’autres lettres qu’il ne lit pas vraiment.

- Tu crois que je vais y arriver, Sol ?

Il soupire. Il a le temps, mais il va chercher déjà ses habits les moins moches. Parce qu’il n’a jamais mis de costume. Pas même pour l’enterrement de sa mère. Il avait 17 ans et il ne se souvient même plus de comment il était habillé. Il n’est même pas sûr de s’être habillé tout seul. Il était tellement… pas là. Quand il ouvre la penderie, il ne voit que des t-shirts. Ce ne sont que des trucs confortables, dans lesquels on est à l’aise. Mais là… Il ne faut pas être à l’aise, il faut avoir l’air guindé. Et il n’a rien pour ça. Il soupire. Bon, un truc noir. Ca fait toujours classe le noir. Là, un t-shirt manche longue sans poil de chien. Parce que ça aussi, ça fait tache, les poils de chien, même s’il aime Sol plus que tout au monde, dans un univers de fric, ça ne fait pas bien d’avoir des poils de chiens sur les fringues. Bon, ok, il a un jean noir et des converses noires. Il ne peut pas faire mieux. Faudra que ça suffise.

- Sol ? Et si je décommandais ? Il m’en voudra, tu crois ? La chienne penche la tête d’un côté, ne comprenant pas le moins du monde la teneur des paroles de son maitre et à nouveau, elle vient à ses côtés, pour le réconforter. Non, je ne peux pas lui faire ça, évidemment.

L’heure étant arrivée, Loki laisse Sol à la maison alors qu’il redescend pour aller chercher son vieux tacot. Extérieurement, le pick-up est une épave. Mais au moins dans les rues de New York, personne ne pense à le lui voler. Mais le moteur est un véritable petit bijou. Par contre, il se dit qu’il ne va pas se garer juste devant. Parce que là aussi, il va faire tache. Et une grosse tache. Il laisse son véhicule plusieurs blocs plus loin, honteux d’avoir un engin pareil pour se déplacer. Stressé et tendu, il marche vers le restaurant. Une main tire sur la manche du t-shirt pendant que l’autre détruit ce qu’il a mis du mal à construire, c’est-à-dire un semblant de coiffure. Ses cheveux blonds presque blancs sont dans un désordre absolu.

Et voilà, il est devant le restaurant. Bon sang y’a même un portier. Non, non, il ne peut pas rester là. Il se met à côté pour attendre Ambrosio, dans un coin où on le verra moins, peut-être.

T’as une tache… Pistache.

Juste à côté du restaurant, Loki se dit qu’il fait vraiment tache dans ce paysage trop… trop… clinquant. Beaucoup trop clinquant. On… On invite pas quelqu’un ici alors qu’on ne se connait pas, non ? Ou alors, c’est pour faire de l’esbroufe ? Ambrosio ne paraissait pas en faire, de l’esbroufe, tout à l’heure ? Non ? Si ? Loki essaie de revoir la scène. Lui qui se tourne vers le petit derrière de la fille, lui qui tombe. Lui qui se rattrape sur Ambrosio, lui qui… Raaaah, il a encore les picotements dans la main quand il a posé cette dernière sur la hanche d’Ambrosio. D’ailleurs, il en rougit rien que d’y repenser. En attendant il regarde cette main qui s’est posée sur la hanche. Et il se dit qu’il aimerait beaucoup ça, reposer la main au même endroit…

Mais pour l’instant, il doit attendre Ambrosio devant ce restaurant trop… trop clinquant. Rien que de baver devant la carte ça doit couter de l’argent, il en est certain. Il ferait peut-être mieux de partir, ce… ce n’est pas pour lui ici. C’est trop… trop… clinquant. Il n’arrive pas à trouver un autre mot que celui-là… « clinquant », parce que c’est vrai. La couleur noire et dorée de la façade, le pingouin à l’extérieur qui garde la porte qui soulève son chapeau chaque fois qu’il y a une personne qui veut entrer. Ce même pingouin qui ouvre la porte en même temps et qui dit « bienvenue au Frencie, Madame, Monsieur »… Il a les boutons trop dorés sur son habit de pingouin. Loki n’aime pas du tout ça. En même temps, il ne peut pas partir. Parce qu’il a envie de revoir Ambrosio. Allez. Il faut qu’il prenne sur lui. C’est juste une heure ou deux de tortures mentales et après, ça ira mieux.

D’ailleurs, il n’a pas à attendre bien longtemps qu’un taxi se gare juste en face et c’est Ambrosio qui descend. Ouah… Il vient au restaurant en taxi ? Loki a encore plus honte de son vieux tacot. Même si c’est volontairement qu’il ne retape pas le pick-up. Il pourrait le customiser à la Grease, mais non, il préfère passer inaperçu, du moins dans le bon sens du terme avec la vieille carlingue rouillée. Heureusement qu’il l’a garée plus loin et que personne ne la voit. Ambrosio l’aperçoit et s’approche. Il est classe dans ces habits. Loki sourit en le voyant.

- Bah oui, je suis venu. J’t’ai dit que je venais non ? Quand Ambrosio demande pourquoi il n’est pas rentré, Loki lance un regard apeuré vers le restaurant avant de se reprendre. Je… Je savais pas à quel nom t’avais réservé et… on m’aurait regardé bizarrement. Il nie du chef, plutôt fier de ne pas avoir froid. Il vient d’un pays, enfin d’un état américain où le froid rime avec les températures en dessous de la barre du zéro degré celcius. Il fait pas froid, j’ai pas l’air, mais je suis résistant. Coriace même, comme le homard… Mais j’ai pas les pinces. Au « on rentre », Loki hoche d’abord du chef. Mais au moment de faire un pas vers le restaurant, il s’arrête, arrête également Ambrosio, d’une main sur le torse. Attends… euh… Comment dire ça ? Tu… Tu es riche ? Rah, c’est nul ! J’veux dire… Tu fais pas ça pour m’impressionner ? J’ai… J’ai pas besoin de tout ça, tu sais… J’veux dire... Loki ne sait pas comment arranger les pensées qui tournicotent dans la tête. Ok, déjà… calmer le palpitant qui bat trop fort. Ok, c’est un restaurant qui a l’air chouette et cher… très cher… et j’ai… vraiment pas l’habitude de ce genre d’endroit. On va me regarder bizarrement. Je… suis pas de ce monde-là.

T’as une tache… Pistache.

- J’suis pas du genre à me défiler. Ok, j’y ai pensé, mais ça ne serait pas bien de ne pas prévenir. Et puis, j’avais envie de te revoir. Même si on s’est vu tout à l’heure.

Loki sourit d’un sourire qui remonte jusqu’aux oreilles. Et puis, ils en viennent à parler du restaurant. Le restaurant qui a l’air, pour Loki, beaucoup trop… ou pas assez… rah, il ne saurait dire comment, donner un adjectif sur ce restaurant, mais c’est en même temps trop chic et pas assez… cool ? Il ne sait pas. De toutes manières, il n’a pas le nom de l’homme qui a réservé. Il n’allait pas dire le prénom seulement. Et puis, il aurait fait tache dans le restaurant, à glandouiller. Les gens l’auraient regardé bizarrement, il en est persuadé.

« … C'est Altréides, Ambrosio Altréides »

Altréides ? Ca lui fait penser à un film qui est sorti il n’y a pas si longtemps. Mais c’était simplement un personnage dans le film. Alors non, ce nom ne lui dit rien du tout. Loki n’est pas du genre à suivre les actualités sur les chaines d’hôtel hors de prix. Il n’est jamais allé dans un hôtel. Sauf dans une auberge de jeunesse, quand il est parti chasser dans le grand nord, avec son oncle un jour. Mais les hôtels, non, ce n’est pas son monde. Tout comme ce genre de restaurant, ce n’est pas du tout son genre, ni son monde. C’est pour ça, en ne faisant qu’un pas vers le restaurant, cela fait « tilt » dans le cerveau de Loki. Pour qu’Ambrosio l’invite alors que c’est le jour de leur « rencontre » dans un restaurant aussi chic, c’est qu’il a de l’argent, non ?

« Est-ce que ça a vraiment une importance ? » Loki nie du chef lentement. Non cela n’avait pas d’importance, mais… « Je voulais juste te faire plaisir, tu m'as dit que tu aimais manger italien, j'ai mal fait ? » La couleur du homard vient sur les joues du jeune homme. Oui, il aime bien manger italien, et… et il est agréablement surpris qu’Ambrosio l’emmène manger dans un restaurant dont il aime bien la cuisine, mais… mais ça reste cher tout de même… Non ? Et puis, il va faire tache. Il le sait. Il fait part de ses doutes au plus âgé. « Personne ne va te regarder bizarrement, tu es très bien Loki. JE te trouve très bien et puis... tu n'es pas tout seul. J'aime bien ce restaurant, tu ne veux pas juste... l'essayer avec moi ? » O-ok… Il hoche du chef. Ok, allons-y qu’il se dit. La couleur homard vire à la tomate rutilante quand il sent sur le dos de sa main, celle d’Ambrosio. C’est là qu’il se rend compte qu’il avait encore sa main sur le torse de l’homme.

- Et je ne vais pas t’empécher d’aller dans un restaurant que tu aimes bien. Allons-y. Après tout, je ne vais pas manger avec les autres gens. Seulement avec toi.

Loki a retrouvé un semblant de courage et à regret il retire sa main pour se tourner et marcher vers le restaurant. Arrivé près du portier, ce dernier le salue et Loki ne sait pas comment réagir. Ils ont fait quoi les autres quand ils sont entrés ? Ils l’ont salué ? Il ne sait plus, il n’a pas fait attention à ce moment-là. A l’intérieur, c’est classe, vraiment vraiment très classe, il sourit au portier, un peu gêné. Le portier lui ouvre la porte. Franchement, il aurait pu le faire tout seul, il n’est pas handicapé à ce point, mais bon,c’est peut-être le concept du resto. Il y a un autre pingouin qui attend les clients. Lui, il a un regard sévère et Loki à l’impression d’être un gamin qui va se faire gronder par un instituteur. Pourtant, c’est avec une voix calme et distinguée que l’homme demande s’ils ont réservé. Loki laisse parler Ambrosio qui semble bien plus à l’aise avec ce genre de restaurant que lui. On les conduit à une table. Le jeune homme tente de ne pas regarder les autres clients de peur de toujours se sentir tache. Finalement, il s’assoit sur une banquette. Le choc ! Quand il voit le nombre de couverts devant lui !

- On va devoir utiliser tout ça ? Quelques instants plus tard, un serveur leur tend un menu. Loki se promet de ne pas regarder les prix au risque d’être malade. Tu viens souvent ici ? Tu me conseilles quoi ?

T’as une tache… Pistache.

Bon sang, sa voix… Elle était si… hypnotique. Est-ce qu’il y avait un autre mot ? Peut-être, mais sur le moment, Loki ne pensait qu’à celui-là. Oui, c’était vraiment hypnotisant. L’intonation, le volume, et sans parler du visage de l’homme qui possédait cette voix. Lors de leur première rencontre, il avait dit qu’il travaillait à la radio et bon sang qu’il aimait la voix qu’il entendait. Alors se taire pour laisser Ambrosio parler ne le dérangeait pas le moins du monde, au contraire. Le mécano devait penser à un truc qui fasse parler l’animateur radio pour juste écouter et entendre cette voix magnifique.

Finalement, donc, ils se dirigent vers le restaurant, but de leur deuxième rencontre du jour. Loki espère qu’il ne fera pas de bourde… ou bien que les gens ne le regardent pas bizarrement. Ce n’est pas sa place ici. Il préfère largement les restaurants familiaux, pas les trucs bling bling… En même temps, il n’a jamais essayé les trucs bling bling… Tant qu’à faire, autant essayer, c’est l’occasion et en plus c’est en bonne compagnie. Il ne sait pas ce qu’il va manger, mais au moins, ça va être bon. Faut supposer. Bref.

Ambrosio semble posséder cet endroit. Pas dans le sens avec son nom et tout, plutôt, dans le sens où il connait ce lieu sur le bout des doigts. C’est ce que ressent Loki en tout cas. Ils s’installent à une table réservée. Les deux hommes face à face. C’est à ce moment que le jeune homme s’enquiert du nombre de couverts devant lui. Y’a trop de fourchette, trop de couteau… et ils sont tous différents. Certains avec le bout rond, d’autre avec trois pique-piques, les autres 4 et y’a même un couteau tout déformé dont Loki n’a aucune idée de comment on s’en sert.

Alors il pose la question, pile au moment où ils reçoivent les cartes, et sa réflexion sur les couverts fait soulever un sourcil du serveur. Ok, Loki aurait dû se taire. Il se sent tout bizarre de nouveau. Pas à sa place. Bah quoi ? C’est la première fois pour lui, dans ce genre de restaurant ! Ambrosio ne semble pas avoir vu, tant mieux, et il commence à expliquer qu’il a déjà mangé dans un restaurant avec les doigts. Loki pose le coude sur la table, ne regardant plus du tout la carte, la tête dans la main, il écoute Ambrosio. Il dévore même ses paroles. C’est la voix de l’homme en face de lui qui le fascine. Il se redresse quand il prend la parole à son tour.

- Tu veux dire que tu vas jamais dans les Macdo, Wendys, Subways, Otacos, Dominos… ? Ce sont peut-être des fast-food, mais ça reste des restaurants où on peut manger avec les doigts. Et y’a rien de meilleur, que de manger avec les doigts ! Et comme le serveur, un peu plus loin, semble attendre qu’ils choisissent, Loki reprend la carte. Il tente de faire abstraction des prix. Euh… Je vais prendre… le canard avec du chorizo en entrée… Il tourne la page pour voir les propositions de pâtes. Le parpa… parap… Papard… Je sais pas comment on dit, mais la bolognaise de canard. Il referme un peu le menu et regarde Ambrosio. Ouai, j’aime bien le canard.. Après, il hésite… regarde encore dans le menu pour le plat principal. C’est peut-être déjà beaucoup, non ? Hmm… Le flétan. Bon choix. Et Ambrosio a parlé d’un tiramisu, non ? Et le tiramisu, si tu dis qu’il est bon et s’il y en a.

C’est en reposant la carte sur la table qu’il sent la main de l’homme sur la sienne. La coloration revient vite à ses joues, mais aucunement il ne retire sa main. Par contre son regard tombe dessus. Malgré le fait que les doigts de celui qui invite sont sur les siens, Loki se dit qu’il n’a pas de belles mains. Il a des mains d’ouvrier, qui travaillent et s’use. Même s’il est bien jeune, déjà, elles ont subi coupures et bleus. Alors que celle d’Ambrosio est tellement douce. Elles ressemblent un peu à cet endroit. Propre, doux… riche… Le doute revient subitement, comme une vague en pleine tronche. Qu’est-ce qu’il fait là ? Lui, le petit mécano d’Anchorage ? Dans un endroit aussi guindé…

La voix d’Ambrosio le ramène à la réalité. Et heureusement. Parce qu’il était prêt, la seconde d’avant à prendre ses jambes à son cou et fuir cet endroit trop… trop… Beaucoup « trop ». La voix le rassure. La main sous l’autre se crispe un peu, mais ne s’en va toujours pas. Il adresse un sourire à l’homme en face de lui. Ok, mais en même temps, il n’a pas envie de partir. Du moins… enfin… si, il n’a pas vraiment envie de rester ici, ici. Mais dans le « ici, ici », il y a Ambrosio et Loki l’aime bien, vraiment bien. Il ne veut pas décevoir l’homme qu’il considère déjà comme un ami. Alors toujours avec le sourire, Loki nie du chef.

- Non, non, on y est, on y reste. C’est pas un set de couvert supplémentaire qui va me faire peur, hein ? Le serveur a l’air de les avoir remarqué et il se rapproche. Loki pose le regard sur Ambrosio. J’y connais rien en boisson ou en ce qu’il faut commander, donc je te laisse choisir. Il attend que le serveur reparte avec la commande, pour à nouveau poser le coude sur la table et la tête dans la main pour demander. Parle-moi de tes voyages, fais-moi voyager.

T’as une tache… Pistache.

- Aaaaah, ok! J'comprends mieux! Loki éclate de rire dans le restaurant, oubliant qu'il n'y a pas de bruit. De ce fait, plusieurs têtes se tournent, désaprobatrices, toutes, et même certains serveurs ont une tête renfrognée. Il y a quelques années, Wendy's était un restaurant pour moi. Mais, mis à part les resto de routiers, j'suis jamais vraiment entré dans des restaurants "restaurants".

Le jeune homme se rend à ce moment compte qu'il vient de parler assez fort. Du moins, trop fort pour cet établissement. La coloration rougeâtre revient à ses joues et il s'enfonce un peu dans son siège psalmodiant un "désolé" silencieux. C'est plus ou moins à ce moment-là qu'ils regardent la carte et décident de leur repas. C'est aussi à ce moment-là que le jeune homme sent la main du plus âgé sur la sienne. Ce n'est pas désagréable, bien au contraire. Il ne pense pas un seul instant à la retirer. Il aimerait bien, au contraire, la tourner, pour se saisir lui aussi des doigts d'Ambrosio. Mais il craint d'aller trop vite, trop... oui, trop vite. Même si c'est Ambrosio qui a fait le geste qui les... unit, du moins éphémèrement pour le moment, il a peur que s'il bougeait, l'homme en face de lui considèrerait qu'il ne veut pas aller plus loin ou qu'il n'aime pas ça. Et même s'il arrive à attraper la main de l'homme en face, ce dernier pourrait penser qu'il va trop vite. En même temps... C'est lui qui a initié le contact, donc il va pas penser qu'ils vont trop vite? Si? Non? Loki est un peu perdu. Et il se concentre sur le menu, gardant cette main sur la sienne et appréciant la douceur et la chaleur qui en émane. Quand Loki annonce son choix, Ambrosio valide. Cela fait sourire le jeune homme jusqu'aux oreilles.

- Tu pourras gouter dans mon assiette alors. Attendez, il a peut-être dit une boulette. Inquiet, il tente de se rattraper. A moins que ça ne se fasse pas ici?

Le serveur arrive, la main part. Le jeune homme rapatrie sa propre main jusqu'au bord de la table. Les deux comparses annoncent ce qu'ils vont prendre et Ambrosio décide du vin. Loki observe l'homme quand il parle. En plus de la voix posée et sublime qu'il a, il voit également une assurance vraie. Il est bien dans ce milieu, certes trop cossu pour Loki, mais il ressemble à un poisson dans l'eau, à l'aise. Il est assuré comme homme. Il sait ce qu'il veut et cela fait sourire le jeune homme aux cheveux presque blancs. Il nie doucement du chef.

- J'y connais absolument rien en vin, alors ton choix est forcément mieux que le mien. Faut vraiment pas t'inquiéter, j'aime tout. Je mange comme un ogre et je bois comme un trou.

Du coup, en attendant le repas et surtout les hors-d'oeuvres, Loki pose une question, celle des voyages. Il ne connait que l'Alaska, un tout petit peu le Canada, mais la partie occidentale, pour y avoir chassé pas mal de fois. Et puis, juste le roadtrip qu'il a fait, entre Anchorage et New York pour venir retrouver son ADNiste. D'ailleurs, il va falloir qu'il trouve un moyen de prendre l'ADN, puisqu'il y pense, des potentiels paternels... Hmm, à méditer. Oui, parce que là n'est pas le moment, car Ambrosio parle et que Loki aime trop sa voix pour ne pas l'écouter. D'après ses dires, Ambrosio a été baloté un peu partout dans le monde entier. C'est quasiment certain que les problèmes d'argent, il ne connait pas. Il semblerait qu'il soit tombé sur quelqu'un de très très très très fortuné. Non pas qu'il pense à pomper le fric, loin de lui cette idée, mais il se demande à quoi ça ressemble, la vie d'homme riche. En l'entendant raconter son enfance, Loki fronce un peu les sourcils, la tête toujours posée dans sa main et le coude toujours sur la table.

- Ca a l'air d'une enfance solitaire... et pas drôle.

Cette fois, c'est Loki qui va chercher la main d'Ambrosio et il entremêle leurs doigts. Comme pour lui donner un peu de réconfort face à cette enfance qui a l'air peu joyeuse. Le jeune homme le laisse continuer. D'enfance, il passe direct à la fin de l'adolescence, et surtout à ses 18 ans. Une vie de débauche? Ca en a l'air, même si c'est pas explicite. Mais il a vécu plus la nuit que le jour d'après ce qu'il dit. Mais jamais vraiment avec quelqu'un. Il ne parle d'ailleurs d'aucune autre personne, pas mêmes des "amis". Oh, il a surement eu des amis, et il doit en avoir, mais pas suffisamment "amis" pour que ceux-ci comptent dans son récit. Du moins, c'est ainsi que Loki le comprend. Quand Ambrosio demande quel pays Loki voudrait qu'il décrive, ce dernier hausse les épaules, avec un sourire. N'importe lequel! Ca lui conviendra. Parce que Loki ne peut voyager que dans sa tête. Et puis, il a une idée. Une idée saugrenue, mais une idée quand même. L'air espiègle revient sur le visage du jeune homme et il se penche un peu au dessus de la table.

- Décris-moi un pays ou une ville où tu voudrais m'emmener. Il se reprend aussitôt. Bon, quand j'aurai des sous pour me le payer, mais vas-y, donne-moi envie de voyager... avec toi.