La conversation avec Leeroy devenait de plus en plus intéressante mais inquiétante en même temps. Plus ça y allait, plus Gaetano sentait que quelque chose n'allait pas, et il se demandait à quel point ça pouvait y aller. Le plus drôle dans l'histoire, c'était qu'il n'avait pas spécialement besoin de creuser, en tout cas, pas pour le moment. Il avait conscience que leur attachement tous les deux y était pour quelque chose, mais même, Leeroy était un jeune homme mystérieux, rigolo et un peu clown sur les bords, mais il avait bel et bien une partie qu'il n'avait pas révélé et dont Gaetano ignorait s'il avait envie de la connaitre. Leeroy semblait un peu nerveux, et Gaetano n'avait pas manqué de le remarquer. Lorsque l'espagnol lui dit qu'heureusement, il n'était pas son père, l'italien arqua un sourcil puis étendit ses lèvres comme pour donner un sentiment de relativité à tout ça. Il ignorait complètement qui était le père de Leeroy, ce dernier était resté très vague sur sa famille et Gaetano avait pris cela pour lui dire qu'il en avait pas alors il ne s'était pas penché plus que cela sur la question. Après tout, c'était ses affaires, Gae n'avait pas à y fourrer son nez sans y être invité.

"Oh ça non, c'est clair, j'me vois mal être ton daron, ni celui de quiconque d'ailleurs."

Peu après, Gaetano hésita à mettre ses mains en avant en guise de calme, pour retrouver l'atmosphère détendue qu'il y avait lorsqu'il était arrivé. Mais visiblement, il était en train de gratter là la surface de quelque chose et une fois de plus, il était partagé entre l'envie d'en savoir plus - petite déformation professionnelle comme il dirait - et l'envie de juste en rester là. Il ignorait quel genre d'ami il serait si c'était le cas, parce que si ça se trouvait, c'était important pour Leeroy mais il avait simplement du mal à le lui dire. Au fond, Gaetano aurait espéré que ce soit quelque chose comme : "Je suis gay", trans ou même vegan puisque visiblement c'était difficile à annoncer à certaines personnes, mais évidemment, il en était rien de tout cela.
Alors qu'il avait un pic de tomate cerise au bout des doigts, il avait tourné la tête lorsque Leeroy voulut le rassurer sur ses activités dont Gaetano ne saurait mettre une réelle opinion pour le moment. Leeroy termina par un "c'est pas ce que t'imagine" et Gaetano bougea d'abord les yeux vers le côté, en pleine réflexion, avant de les reposer sur son ami.

"... Et qu'est ce que tu penses que j'imagine?" l'interrogea-t-il, intrigué. Il savait qu'en lui posant cette question, il y avait de fortes chances qu'il ait invité Leeroy à être encore plus dans l'embarras sur lui-même, mais pour le coup, il était intrigué, réellement. De plus, Gaetano s'étonnait toujours des gens qui pensaient savoir ce que son interlocuteur pouvait penser alors que cela signifiait, dans la grande majorité du temps, que quelque chose sur eux même les tracassait. Il avait suffisement interviewé ou même été témoin d'interview pour l'avoir compris. En soi, ils se trahissaient eux même. Ou alors ils avaient une image fausse de l'autre personne. Peut être que les deux jouaient aussi.
Gaetano secoua la tête lorsque Leeroy lui assura qu'il était toujours lui et que rien n'allait changer. Il restait toujours incertain sur la chose, mais que pouvait il dire de plus?

"Je n'en demande pas moins, ni même plus, Leeroy."

Il fut sincèrement amusé lorsque Leeroy s'enthousiasmais sur les tacos que sa mama faisait, et il fut d'autant plus surpris lorsqu'il lui assura qu'elle les faisait mieux que sa propre mère.

"Wooow, t'es sérieux là? Je ne me permettrai jamais de penser cela pour ma part, il faudrait que je goute les tacos de ta mère mais tu connais la règle : quand tu considères que la cuisine de la mama de ton pote est meilleure que celle de la tienne, c'est que c'est inquiétant! Tu vois, moi la cuisine de ma mama, elle est unique, le meilleur chef d'Italie pourra faire à la perfection la même avec les plus grands jurys culinaires du monde entier réunis, mes papilles apprécieront toujours celle de mama. Et Papa d'ailleurs."

Lui aussi étaient pas mal aux fourneaux en temps normal. Naturellement, l'Italien en lui, dont la gastronomie rimait avec l'honneur, parlait énormément, mais à vrai dire, il ne connaissait tellement rien de la famille de son meilleur ami qu'il ne se permettrait pas de s'avancer pour lui. Et puis, encore une fois, ça n'était pas à lui d'en dire quoique ce soit. Même dans son métier, il était journaliste. Il était là pour annoncer des faits, pas pour juger. Si de la subjectivité se glissait dans ce que tu faisais, t'étais pas un journaliste.
Puis, alors qu'il s'apprêtait à croquer dans un mini burger à l'odeur alléchante, Leeroy l'arrêta net quand il lui demanda, ordonna, de le suivre d e s u i t e jusque dans son bureau. Ah ouais, t'as un bureau? s'étonnait-il dans ses pensées alors qu'il abandonnait avec regret son met pour pouvoir bel et bien se laisser entrainer jusqu'à la pièce privée de Leeroy. Une fois à l'intérieur, Gaetano l'observa avec intérêt, se demandant quelles nouvelles surprises l'attendaient pour être à l'écart de tous. Au fond, en vue du comportement de l'espagnol, il comprit qu'une annonce allait lui être révélée et il commençait à se préparer mentalement à la chose. Leeroy commença à le mettre en garde jusqu'à lui demander de s'asseoir, ce que Gaetano fit et pour lui faire plaisir et parce que visiblement c'était nécessaire. Dommage, il n'avait pas apporté ses lunettes parce que ça lui donnait un air encore plus sérieux quand ça arrivait et qu'il avait tendance à les porter dans le cadre du travail. Il avait un peu le sentiment de l'y être d'ailleurs, sauf que là, c'était du privé. Leeroy poursuivit en lui disant que ce qu'il allait lui révéler pouvait le mettre en danger et que c'était pour cette raison qu'il ne lui avait rien dit. Les yeux toujours rivés sur Lupin, Gaetano eut un sourire dans le coin de sa bouche mais il restait cependant d'un calme olympien. Maintenant, il avait vraiment envie de savoir.

"Si je voulais me préserver de toutes sortes de danger, futile comme grave, je n'aurais pas entreprit de faire le métier que je fais" rappela Gaetano d'une voix paisible. Il n'avait cependant pas oublié que Leeroy lui avait proposé de boire quelque chose. "Du rouge s'il te plait."

Il ne pouvait garantir n'avoir absolument aucun jugement sur ce qu'il allait entendre, si Leeroy parvenait à le lui dire jusqu'au bout. Mais il se connaissait assez bien pour savoir qu'il en aurait le moins possible.

Gaetano demeura silencieux, plutôt surpris que Leeroy pensait Gaetano capable d'avoir ce genre de supposition. S'il ne le connaissait pas aussi bien, sans doute aurait il effectivement cru que c'était bien le cas, mais ce n'était pas cela qui mettait "mal à l'aise" l'italien. Enfin, mal à l'aise... Il ne savait pas vraiment qualifier son état d'esprit quand il apprenait que son meilleur ami louait des chambres pour que des prostituées fassent leurs affaires avec leurs clients. Mais il n'avait pas été jusqu'à songer que Leeroy touche une partie des gains par rapport à... ça. Il était difficile de savoir ce que Gaetano pensait réellement, parce que la nouvelle était soudaine et qu'il n'avait pas vraiment d'avis tranché sur la question. Au fond, ce qu'il désirait, c'était de faire confiance en lui, mais plus ça allait, plus il se demandait s'il connaissait vraiment bien Leeroy, le mec un peu paumé qui venait d'Espagne et qui avait eu des soucis avec la langue à sa rencontre. Il avait bien évolué le gaillard, tout comme lui-même l'avait fait.

"Je sais, Leeroy." rassura le ritale en posant une main sur son épaule. Il émit un faible sourire, mais un sourire paisible tout de même.
Gaetano dévisagea Leeroy lorsque ce dernier évoqua sa mère, à lui. Il était vrai qu'il ne savait pas grand chose sur la famille de Leeroy et il n'avait jamais vraiment cherché à être curieux par rapport à cela. Non pas qu'il s'en fichait, mais il avait simplement rapidement compris que c'était un sujet sensible et il préférait laisser Leeroy le choix de lui en parler quand il s'en sentira. Il n'imaginait pas encore à quel point ce moment était si proche d'arriver! L'espagnol l'entraina dans une pièce seul à seul afin de lui parler de quelque chose d'important. Gaetano ne sut pas vraiment mettre des mots sur la façon dont il se sentait mais une chose était certaine : il était inquiet, voir même anxieux. Par principe, il imaginait toujours le pire, ce qui pouvait le sauver de lourdes mauvaises surprises. Là, il ne savait absolument pas à quoi s'attendre mais il avait le sentiment qu'il n'allait pas être déçu. Il rassura d'ailleurs Leeroy par rapport au danger vu qu'apparemment, ce secret risquait de faire de lui une sorte de cible ou un truc dans le genre. Là aussi, Gaetano ne saurait pas dire comment il devait mesurer les paroles de son ami. Leeroy rengaina sur le fait que Gaetano risquait de ne plus le considérer de la même manière et il ne relança pas la chose, se contentant de se faire servir en vin. Puis, Leeroy se lança en lui révélant ce qui semblait être sa véritable identité. Gae arqua un sourcil suite à ce début de révélation. Il but une longue gorgée de vin avant de déposer le verre d'un seul coup sur le bureau et l'interroger du regard.

"Ok, continue" dit-il pour l'inciter à développer.
Alors, l'Espagnol se lança sur son histoire. Il lui raconta ce qui semblait être une vérité sur ce qu'il était vraiment, d'où il venait, la raison pour laquelle il était recherché et qu'il avait prit une autre identité. Gaetano l'écoutait d'une oreille attentive, d'ailleurs il redressa la tête pour mieux observer le tatouage que Leeroy, ou plutôt Lillian mais il resterait Leeroy pour Gaetano jusqu'à nouvel ordre, lui montrait. Une sorte de symbole du gang de son père et à vrai dire, c'était la première fois que Gaetano le voyait de sa vie. Forcément, son côté curieux et enquêteur s'alarma dès lors avec l'envie de plonger dans des recherches pour en savoir plus sur... tout ça. En tout cas, toute cette histoire était... des plus surprenantes. Il fallait laisser le temps à Gae de donner un sens à toute cette avalanche d'informations à laquelle il ne s'attendait pas, et à vouloir mettre une opinion, une parole sur tout ça. Il était un peu perdu, tout à coup, parce qu'il imaginait que Leeroy attendait un retour de sa part.

"W... Whouah... ça fait... beaucoup" exprima t-il, perdu dans ses pensées. "Je... ok. Je prends en considération tout ce que tu viens de me dire. Juste il faut que je trie tout ce que tu viens de me dire parce que là, ça fait beaucoup"
Il avait échappé un rire nerveux parce que ça, pour une nouvelle rebondissante, c'en était une. Il ne s'était pas préparé psychologiquement à faire une sorte d'entretien journalistique parce qu'il n'avait pas d'article à écrire sur le sujet.
"Je pense comprendre ce que tu m'as dit cela dit. Et je ne sais pas si tu attends de moi quelque chose en particulier mais... si je peux aider, je suis là, évidemment."
Il parlait d'une voix douce et rassurante bien qu'au fond, il était plus apeuré qu'autre chose. Mais il était comme ça Gaetano, il parvenait à garder son sang froid à toute épreuve.

La question que lui posa Leeroy interrogea Gae. D'abord, il fronça les sourcils, ne voyant pas pourquoi il lui demandait s'il était un obsédé, et ensuite, après qu'il ait assimilé au fait que Leeroy pouvait craindre que son meilleur ami ait cette opinion de lui il pencha la tête vers l'avant, poussant un tout petit rire à peine audible, non pas parce que c'était amusant mais parce qu'il n'avait lui même pas envie que Leeroy pensait cela. Il redressa soudainement la tête et posa sa main sur son épaule.

"Non. Ce que tu m'as dit ne suffit pas à être un obsédé, crois moi. Je sais ce que c'est de l'être, non pas parce que je le suis, mais parce que j'ai déjà... investiguer dessus? Et t'es encore loin de cette étiquette là, rassure toi."

Puis, les révélations de Leeroy dans son bureau l'avait un peu remué. A vrai dire, il ne pouvait pas encaisser la nouvelle en levant les bras et en rigolant tout en prétextant que ce n'était rien. Il aurait pu le faire s'il avait eu encore quinze ou seize ans, sans connaitre la gravité des choses, mais désormais, Gaetano était un homme mature. Ou à peu près en tout cas. Il n'était plus un enfant insouciant, loin de là. Et puis, son expérience en journalisme avait tôt fait de lui ramener les pieds sur Terre. Et encore, il n'était qu'à ses débuts selon lui.
Gaetano pinça les lèvres lorsque Leeroy lui fit part de ses insécurités vis à vis de cette révélations. Elles étaient légitimes en même temps et Gaetano était en train de doucement faire la part des choses maintenant qu'il accusait la nouvelle.

"Hey, avant de parler de couper les ponts avec toi, je pense qu'il y a tout de même bien d'autres choses entre cette décision radicale et... notre amitié, pas vrai? Je suis loin d'être un impulsif.. quoique, parfois, j'ai mes humeurs. Mais là c'est... c'est quand même pas à ce point."

Il observa son meilleur ami dans le plus grand des calmes. Leeroy, Lilian ou quoiqu'il pouvait être lui précisa qu'il craignait qu'il l'apprenne un jour autrement que par sa propre bouche. Gaetano tapota de sa main sur le bureau pour l'inviter à s'asseoir convenablement. Là c'était à lui de montrer son soutien et de le rassurer. Il imaginait à quel point cela avait pu être difficile de lui faire de telles révélations. S'il n'avait pas été déjà confronté à ce genre d'affaire, Gaetano aurait pu se croire dans un téléfilm policier ou d'action et c'était un peu drôle.

"Tu veux pas boire un coup un peu?" demanda l'italien pour l'inviter à reprendre un peu son souffle et surtout retrouver un peu son calme. Il ne parlait pas d'alcool là, mais d'un simple verre d'eau, bien sûr. "Je comprend ta situation... Je pense. Et à vrai dire, ça m'émeut beaucoup que tu m'aies dit ça. La vérité. Je comprends aussi que c'est une décision qui n'a pas dû être simple pour toi, et qu'il t'a fallu du courage pour me dire ça. Et... J'emporterai le secret dans la tombe s'il le fallait."

Après tout, Gaetano n'avait aucun doute sur le fait que Leeroy puisse avoir assez confiance en lui. Malgré le fait qu'il était journaliste et que c'était forcément le genre de chose difficile à passer à côté. Mais pour le moment, Gaetano ne pensait pas à cela. Il devait agir en conséquence, il aura tôt fait de réfléchir à toute cette histoire plus tard.

Encore un peu bouleversé, Gaetano essayait de mettre en pause toutes les informations qu'il venait d'apprendre pour pouvoir y penser plus tard. Bien sûr, ce genre de révélation n'étaient jamais simples, et son cerveau lui ne pouvait pas faire l'indifférent. Mais comme il l'avait promis à Leeroy, il lui restera loyal. Il lui faisait confiance, il avait également envie d'y croire.
Mais ce soir, il voulait profiter de cette ouverture du bar et mettre entre parenthèse tout ceci. Il se montra un peu plus décontracte, surtout lorsqu'il avait proposé à Leeroy de prendre un verre et que ce dernier lui suggéra un verre. Gaetano avait ainsi exprimé un rire avant d'ouvrir ses bras et secouer les épaules un coup :

"Eh bien, ouais, j'dis pas non! Après tout, c'est l'endroit pour!"

Il ponctua sa phrase d'un clin d'oeil complice avant de se lever et de se diriger vers la porte de sortie. Il fallait bien faire la fête un peu, et se vider la tête de toute ces choses là! En plus, ça lui permettrait de se décompresser des dernières journées de boulot. Dans pas longtemps, il allait franchir une nouvelle étape au sein de la société pour laquelle il travaillait, et son nom risquait d'être un peu plus connu.