I keep changing
But nothing changes
I just miss home

"Ton père est peut-être la pire des pourritures et je ne cherche pas à le défendre pour ce qu'il est, un criminel, mais il a toujours tout fait pour protéger notre famille. Et à ce que je sache,  tu n'as jamais manqué de rien dans la vie. " Pourquoi vous en êtes arrivés à parler de ça. De ce sujet extrêmement sensible et qui, à chaque fois, te met hors de toi ? Au départ, tu voulais passer un peu de temps avec ta mère. Elle te manquait beaucoup et ton quotidien frénétique ne t’avait pas permis de lui rendre visite plus tôt. T’avais imaginé un tas de sujets de conversation. T’avais voulu lui proposer de sortir rien que vous deux. Comme au bon vieux temps, quand t’habitais encore avec elle. Pourquoi pas, monter au bord de sa voiture et rouler. Rouler sans avoir de destination précise. Peut-être que vous vous arrêterez pour regarder les étoiles, en mangeant des friandises comme un sucre d’orge. Comme au beau vieux temps. N’importe quelle activité, l’important est que tu sois avec elle. Mais non. Toute espérance tombe à l’eau et le sujet le plus accablant pour toi est lancé ; ton père. Si tu avais gardé ton calme jusqu’au là, ses mots avaient fait en sorte d’accentuer cette boule dans ton ventre. Ton sang, n’a fait qu’un tour dans tes veines. Tu as hérité ce côté impulsif de ta mère, ce sang chaud qui parfois, te pousse à dire des choses que tu regretteras juste après. Là, tu te fais violence pour ne pas éclater. Tu te mordilles l’intérieur de ta joue afin de contenir ta colère. “ Voir des flics armés jusqu’aux dents, criant et semant la zizanie, tu appelles ça protéger notre famille ? Ouais j’ai manqué de rien financièrement parlant et le reste ? ” Tu t’arrêtes. Tu ravales la suite de tes mots qui constitueraient des maux. Elle a toujours été là pour toi. Elle a fait de son mieux pour que tu grandisses dans un quotidien équilibré. Mais tu as toujours ressenti un certain manque. Une absence que tu n’as jamais su expliquer. Tu glisses une main dans tes cheveux bien coiffés et tu tournes la tête sur le côté. “ Tu as fait tout ce que tu pouvais et je t’remercierai jamais pour ça. Mais t’peux pas m’dire que j’ai manqué de rien.  ” Tu n’oublies jamais les moqueries que tu as reçu quand t’étais gamin. Fils d’un taulard. Tu seras comme lui, certains le disaient avec certitude. T’avais toujours pris ta revanche tout seul, tu n’as jamais parlé de cela à ta mère parce que tu ne voulais pas l’accabler davantage. Maintenant tu as grandi, ces histoires sont derrière toi. Pourtant, tu as toujours la haine d’avoir subi ces moqueries. Aucun enfant ne doit souffrir de la sorte, aucun.

Tu prends sur toi et tu essaies de penser à autre chose. Faire baisser la tension et oublier ses traumatismes qui remontent à la surface. Un autre cocktail, c’est une bonne idée. Tu fais cependant, l’erreur de ressasser encore le passé. C’est plus fort que toi hein, Priam. Un jour, ta curiosité te mènera à ta perte, tu le sais. Tu écoutes son récit sans l’interrompre. Tu trempes tes ourlets dans le liquide sucré et amer à la fois. Tu imagines la scène qu’elle te décrit et tu ressens comme un coup de poignard en plein cœur. Tu poses alors doucement ta main sur son épaule. “ Ça t'a soulagé de la brûler ? Si c’est le cas alors, tu as fait ce qu’il fallait. ” Toi tu n’as rien à brûler de lui. Si seulement tu pouvais effacer tous les bons moments avec lui. Mais ils restent là, dans ta tête, comme une sorte d’épée de Damoclès constamment pointée sur toi. Et malgré ta sensation de malaise, tu continues. Tu fais part de tes interrogations à la brune et sa réaction ne te choque même pas. Elle t’arrache le verre des mains non sans arborer une expression vachement outrée. Toi, tu te contentes de soupirer et d’écouter les mots quitter ses lèvres. Oui, tu as irrémédiablement hérité de son impulsivité. “ Depuis quand t’es susceptible ? Arrêtes maman t’sais très bien que t’as toujours été parfaite du moins, physiquement. ” Parce que niveau caractère … elle a trop de défauts. Et bien évidemment, tu es à son image. Et pour preuve, tu l’imites en lui arrachant le cocktail qu’elle avait préparé pour toi des mains. Tu fais en sorte de le protéger en le collant à ton buste, une expression déterminée sur le faciès. “ Il a bâti un empire de drogue derrière ton dos. Il avait une double vie, t’crois qu’il n’était pas capable d’avoir un autre gosse ? Tu te rends compte que tu as été un peu trop abrupt avec elle. Et avant d’en assumer tes conséquences, tu reposes le verre sur le comptoir non sans lever les mains en signe de paix. Tu ne veux pas t’embrouiller avec elle. Jamais. “ Maman j’sais très bien qu’elle t’a aimé mais il était capable de tout non ? … J’sais pas, oublies, j’dis n’importe quoi.  ” Tu tournes la tête vers la fenêtre. Tu as cru voir des flocons de neige. Tu clignes des yeux deux, trois fois pour te rendre compte qu’en effet, tu commences à halluciner. C’est le signale. Tu contournes le bar pour prendre un verre d’eau. Tu as atteint ton seuil de tolérance, l’alcool et toi, ne font pas bon ménage.

I keep changing
But nothing changes
I just miss home

Culpabiliser ? Attaques ? Reproches ? C’est ce que tu fais, Priam ? Tu es réellement en train d’attaquer ta mère, la seule personne qui compte à tes yeux ? Tu clignes des yeux d’une manière peu naturelle. Tu réfléchis à tes propres propos. Tu as simplement évoqué les faits. Tu as simplement parlé de ce souvenir à jamais collé dans ton cerveau. A ces images qui ne disparaîtront jamais de ta mémoire. A aucun moment tu l’as attaqué ou culpabiliser. Malgré ce goût d’amertume que tu commences à sentir, tu ne dis rien. Tu sombres dans le silence. Tu ne veux pas te disputer avec elle. Tu refuses de partir d’ici en ayant une boule dans la gorge. Alors tu changes de sujet. Pendant un instant, tu as pensé pouvoir lui parler de tes doutes, de tes interrogations. Certes, elle n’est pas la personne concernée mais elle est ta mère quand même. Avec qui peux-tu parler de ce genre de choses alors ? Et pourtant, sa réponse est toujours sur la défensive. C’est comme si elle était fermée à toute discussion.

Tu t’attendais à cela même si tu aurais espéré le contraire. Elle te fait clairement comprendre que non seulement tu n’as pas le droit de parler d’un tel sujet avec elle mais en plus, seul ton père pourra éventuellement t’offrir les réponses. Bien. Tu iras le voir. Tout le monde a toujours été contre l’idée que tu lui rende visite. Toi même tu as été contre mais c’est du passé. Tu veux aller le voir. Cette possibilité a germé dans ton esprit lors de ton rendez-vous avec Zenia, là, ça se concrétise ; tu iras la semaine prochaine et tu feras la demande après-demain, un lundi. C’est décidé. Tout comme tu décides de partir. Tu ne te sens pas bien. Tu fais un pas vers le corridor pour récupérer tes affaires mais la voix de ta mère t’arrête … et le choc est immense. Tu n’as peut-être pas de demi-frère ou soeur du côté paternel mais tu en as du côté maternel. C’est une certitude.

Soudainement, tu éclates de rire. Dos à ta mère, tu ris d’une telle force que tes côtés te lancent. Tu te retournes, lui faisant face et d’un coup, aucun signe d’amusement ne figure sur tes traits habituellement doux. Là ils sont passablement froids. “ Putain. T’es pas croyable. Tu t’offusque à la possibilité que papa ait d’autres gosses alors que toi, tu en as. T’as toujours été hypocrite ? ” Non Priam, Non ! Peu importe à quel point tu es énervé, elle est ta mère. Tu ne dois pas lui manquer de respect, jamais. Tu dois te calmer. Tout de suite. Alors, tu inspires et tu expires. A plusieurs reprises tout en récupérant tes affaires. Tu suffoques ici. “ Papa le sait ? Frère ou sœur ? ” Non, tu secoues la tête. Tu dois partir. Tu es à deux doigts de vomir toutes tes tripes. “ Laisses tomber. ” Tu ouvres la porte en grand pour sortir et surtout prendre une grande bouffée d’air frais. Cela te fait du bien. Tu pensais pouvoir passer un agréable moment avec ta mère mais au final, ce n’est pas le cas. Tu es en colère contre elle et tu préfères partir avant de faire éclater ton mauvais caractère.