Ça y est le grand jour est arrivé ! Hier soir, j’ai fini de ranger mes dernières affaires, presque 4 mois de vie dans cette chambre, j’avais entassé pas mal de trucs finalement ! J’ai hâte de rentrer forcément, c'était ma demande, mais j’ai aussi beaucoup d’angoisse… Les médecins m'avaient prévenu, mais faut forcément y passer et que ce soit aujourd'hui ou dans 2 mois, je pense que la difficulté psychologie sera la même ... Vivre dans cette bulle, vivre dans un centre médical, c’est rassurant… Il y a toujours quelqu’un pour te venir en aide si besoin, quelqu’un à qui parler, pas de regard déplacer des autres, car on est tous dans le même bateau ici. La vie dehors, c’est réussir à se débrouiller seul, je sais que tu seras là à me soutenir comme depuis le début, mais devenir ce poids supplémentaire sur tes épaules est difficile à accepter. Mais je crois que la plus grande crainte, c’est de devoir sortir sous le regard des autres, sentir ses regards de pitié, car tu ne marches plus comme tout le monde, alors qu’on m’a toujours regardé avec admiration dans mon uniforme de militaire… C’est aussi devoir retrouver ma place de père, car Lorenzo m’attend je le sais il a 12 ans, un âge suffisant pour comprendre ma situation, mais il a aussi besoin que je sois là. Ses pensées sont interrompues quand tu entres dans la chambre pour me ramener à la maison.

Je me lève doucement pour échapper à la perte d'équilibre et viens t’embrasser pour te dire bonjour.

“ Bonjour mi princesa, comment vas-tu ? Prête à me supporter H24 ?”

Dis-je doucement pour essayer de me détendre un peu. Je chope ma paire de béquilles, j’en ai encore besoin pour des déplacements sur une assez grande distance.

Mon corps est si différent à présent, certes le plus flagrant est ma jambe gauche manquante, pas facile de cacher ça … Mais si ce n'était que ça finalement… Mon ouïs manquante est tout aussi terrible, un handicap invisible, mais tellement gênant en réalité, devoir faire plus attention à ce qui m'entoure, aux gens qui tentent de me parler, mais pas du bon côté… Sans parler de ses pertes d’équilibre liées à mon oreille interne bousiller, ce n'est déjà pas évident de gérer une prothèse, mais quand en plus tu risques de te foutre la gueule par terre pour un rien… Il y a aussi les diverses cicatrices laissées par les nombreux impacts de débris dans l’explosion, des cicatrices plus petites, non-douloureuse, mais qui marque tout de même le corps, j’en ai pas mal dans le dos, un peu sur le torse et sur mon bras gauche. Sans parler de mon état psychologique, j’en parle pas avec toi… Car je ne veux pas te parler de la guerre, des souvenirs… Même si dans mon malheur, j’ai eu de la chance, j’ai perdu connaissance tout de suite, je n’ai pas vu mes camarades agoniser… Mais la douleur est là, je n’ai même pas pu être présent pour leur rendre hommage… Mais le travail des psy ici est très bon ! Et ta présence me fait le plus grand bien, ton soutien, mais le fait d’avoir Lorenzo, me booste forcément à m’en sortir, je ne veux pas qu’il ait un père se laissant aller, un père présent physiquement mais absent mentalement.

“ Tu l’es déjà depuis le début Sara, un soutien sans faille.”

Je souris à tes nombreux baisers, je les accepte avec plaisir à présent, mais il est vrai que les premières semaines, c’était plus difficile, je me suis longuement demandé si je n'aurais pas mieux fait de mourir, plutôt que de devoir t’offrir une vie avec un homme si … Abîmer. Mais je sens bien que notre amour n’a pas changé et cela me rassure.

“ Avec grand plaisir.” Je te laisse prendre mon dernier sac, pas très galant, mais pas bien le choix. Je marche tranquillement, je suis loin d’être un lièvre, mais s’il n’y pas d'obstacle, je marche quand même bien. J’entre dans la voiture, et malheureusement, tu es sur ma gauche et donc je peine à t’entendre. J’entends que tu me parles et tourne la tête pour mieux t’entendre et je ris.

“ Je ne suis pas complètement sortie, je vais encore croiser toute l’équipe.” Dis-je un avec un sourire, un peu taquin, j’avoue, t’embêter, pour retrouver cette complicité. Je te regarde un peu surpris par rapport à ma barbe.

“Fallait me le dire plus tôt, j’aurais pu me raser.” Je caresse doucement ta main quand celle-ci se pose sur le levier de vitesse. Te laissant nous mener à la maison.

“ Tu sais… L’avantage que ce soit la jambe gauche de perdu et pas la droite, c’est que je vais pouvoir reconduire, sans devoir adapter une voiture. Faudra juste qu’on prenne une automatique.”

@Sara Torres

Je sais que cela part d’un bon sentiment, que tu veux m’aider, m’offrir une facilité de vie après tout ça… Mais, avoir l’usage de mes deux bras est une chance dans ce drame et pouvoir faire les choses pas moi-même est aussi important. Mais je sais que tu as besoin de retrouver cette complicité de notre vie de tous les jours.

“Je suis privilégié depuis que je t’ai rencontré mi princesa.” Et c’est vrai, si certains hésitent à avouer leur sentiments car cela fait des années qu’ils sont amis avec la personne, j’ai envie de dire foncer… Si j’aurais pas sauté le pas, je serais passé à côté de cette merveilleuse vie à tes côtés, le plus important dans un couple c’est l’amitié, en effet c’est elle qui permet d’avoir confiance en l’autre, d’avoir une complicité encore plus grande !

Même si je suis encore loin de pouvoir retrouver un autonomie complète, je compte bien ne pas dépendre de toi toute ma vie pour me déplacer, je ne sais pas ce que l’avenir me réserve, ce que je peux réellement espéré pour la suite de ma vie, mais je ne compte pas s'encroûter sur le canapé ! Il me faudra donc être autonome pour la conduite.

“ Ah oui ? Tu as pris des cours supplémentaires ?” Te taquinais-je. “ Je sais chérie, mais je doute que le planning match à chaque coup, et puis c’est important pour moi d’être autonome aussi, y a pas d’urgence, je marche pas assez bien pour me sauver en voiture.”

Avant mon retour, nous avions tout deux eu divers échanges avec l’équipe, afin que mon retour à la maison se passe au mieux. Cela t’as donné un peu de travail pour tout réaménager, mais tu n’as pas rechigner à la tâche. Nous sommes enfin arrivés à la maison, je sors donc de la voiture seul mais sous ton regard je te sens prête à intervenir au moindre problème.

J’ai encore du mal à tout le temps m’appuyer sur ma prothèse, pour ça que j’utilise encore beaucoup les béquilles, je souris quand tu ouvre la porte pour me laisser entrer. Je viens te voler un baiser au passage.

“ Je suis sûr que c’est parfait tant fait pas.” Je suis un peu surpris pour le canapé, j’ai bien conscience que monter à la chambre est une épreuve, et que du doup se sera quotidien, mais j’ai aussi besoin de ça pour avancer…

“ Le changement de canapé est une bonne chose, mais je comptais bien monter mon popotin en haut.” Je sais qu’il y a des soirs ou je serais ravie de ne pas être obligée de montrer c’est sûr, des soirs où j'aurais trop mal pour risquer de me vautrer dans les escaliers, des jours ou les vertiges seront trop présent aussi … “ Tu dis JE mais tu vas pas me laisser dormir seul en bas ?”

Si je rentre a la maison, c’est bien pour te retrouver, ne plus dormir seul, ne plus me retrouver seul après un cauchemar … J’entre dans le salon et remarque donc le canapé.

“ Il va particulièrement bien avec la déco. Le principale c’est qu’il soit confortable !”

Je ne me fais d’ailleur pas prier pour aller poser mes fesses dessus, un coup de fatigue, trop d’émotion je crois …

Si certains de mes camarades d’armes se moquaient de moi parce que j’ai toujours aimé qu’une seule personne, me faisant charrier sur mon inexpérience en termes de drague, ou bien encore me coller l’étiquette du ringard marié jeune, papa jeune comme nos grands-parents. Je n’ai jamais souhaité autre chose. Pourquoi aller voir ailleurs alors que tout se passe bien avec la personne qu’on aime, que cet amour est toujours plus fort face aux épreuves. Je ne regrette rien de ma vie avec toi. Je te souris tendrement quand tu me prends la main, se regarde pour te dire que je t’aime tout simplement.

“ Aïe !” Dis-je pour t’embêter. “ Tu frappes un blessé de guerre maintenant ! Que tu es violente. Embrasse-moi plutôt.”

“ Y a pas d’urgence, je pense que cette semaine, même la semaine prochaine, je risque d’être fatigué… J’ai pas besoin d’une grosse voiture, juste que ça roule et une boite automatique. ” Pour ne pas dire que je doute être capable de sortir de la maison pour le moment, affronter le regard des autres à l’extérieur ce n'est pas gagner soyons honnête.

Si quelqu’un peut peut-être m’aider à sortir, c’est Buck, celui-ci se fait entendre d’ailleurs. Mais malheureusement, les promenades ce n'est pas pour tout de suite, Buck est un Cane corso, un très gros chien qui peut vide tirer sur sa laisse et dans mon état, ce n'est pas conseillé…

Je sais que tu as raison, que je ne vais pas réussir à monter les deux étages tous les soirs… Je me fais donc pas prier pour aller m’asseoir dedans, ressentant un petit coups de fatigue, je suis donc ravie de le tester. Je lâche un soupir de soulagement une fois assis.

“ Hum Hum pas mal, pas mal” Dis je en riant un peu. “Je n’ai plus peur de rien très chère, mais si je rentre, c’est pour de nouveau partager mes nuits avec toi, sinon autant rester au centre, non ? Mais si tu m’abandonnes tant pis je dormirai avec Buck.” Je te tire la langue comme un gosse.

@Sara Torres

Je ris forcément à ta réaction, je l’ai fait exprès pour t’embêter, bien évidemment que tu ne m’as pas fait mal, je suis que les gens aimeraient écrire fragile sur mon front maintenant, mais je ne le suis pas, certes, mon corps a perdu en robustesse après tout ce temps sans pouvoir bouger, mes muscles ne sont plus aussi saillant qu’avant, mais je pense rester suffisamment musclé pour ne pas être fragile ! Je souris à ton expression choquée, puis je sens ce bonheur monter en puissance dans tous les muscles de mon corps, mon cerveau reçoit une décharge d'ocytocine quand nos corps se rapprochent. Je ne prends pas la peine de te répondre ayant juste envie de t’embrasser ? Alors quand tu accèdes à ma demande, je te réponds avec passion, cela fait du bien de savoir qu’on est que tous les deux, qu’il y a pas de risque d’avoir quelqu’un qui débarque dans la chambre…

Je lâche un petit soupir quand tu te détaches de mes lèvres, je n'ai pas envie qu’il s’arrête… Surtout pour entendre que tu voulais absolument aller voir les voitures cette semaine.

“ Je ne suis pas près pour reconduire tout de suite, c’est trop tôt.”

Certes, je suis de nouveau à la maison, mais je suis loin de pouvoir faire toutes les choses de la vie quotidienne pour le moment, je ne suis même pas capable de marcher trop longtemps sans béquilles. J’ai parfois des vertiges encore importants, je ne veux pas risquer d’avoir un accident.

“Je ne veux vraiment pas brûler les étapes.”

Je sais que cela va t’obliger à te lever assez tôt, faire de la route, plus gérer l’école de Lorenzo, mais on savait bien ce qui nous attendait… Une fois installer dans le canapé, confortable, je tiens à souligner que tu n’arrêtes pas d’utiliser le je et non le nous pour dormir dans le canapé, ce qui m’interroge forcément. Je ris forcément à ta réponse.

“ C’est toi qui as commencé en insinuant ne pas dormir avec moi, il me faut bien quelqu’un pour me tenir compagnie. C’est pour tester ta résistance à la frustration.”

Une fois posé dans le canapé l’un à côté de l’autre, je viens glisser mon bras autour de tes épaules pour te mener à te coller contre mon torse.

“ Je fais ce que je veux.” Dis-je en tirant très rapidement la langue pour t’empêcher de l’attraper. “ Oui très bien.” Je te souris et viens déposer un baiser sur ton front. “ Ah oui tu es comme ça toi, tu fais la sieste comme une petite vieille ?”

@Sara Torres