J’aimerais tellement faire plus pour aider Clay, mais je n’ai aucun contrôle sur sa vie. Son frère et sa sœur, c’est eux qui ont le contrôle. C’est eux qui ont le pouvoir de le faire sortir d’ici ou de le garder plus longtemps enfermé ici. Moi, je n’ai aucun contrôle, aucun pouvoir. Je peux juste tenter de convaincre Clara que la place de son frère est loin de ce lieu de malheur. Aussi, je peux faire de mon mieux dans le temps qu’il m’est accordé avec lui aujourd’hui pour lui redonner l’espoir et la force de tenir le coup. En espérant que ce soit assez pour qu’il tienne le coup face aux visibles tests qui lui font sans son consentement. J’ai tellement envie de faire brûler cet immeuble ! Et, le pire dans tout ça, c’est que je suis loin d’être violent. Mais pour Clay, je serais prêt à tout, même à traverser l’enfer pour le protéger. Mais, si juste le fait que je lui dise pleins de surnoms en espagnol le fait sourire de la sorte, je pourrais commencer par ça. Un petit sourire amusé se dessine sur mes lèvres à sa question. C’est vrai que je ne parle plus vraiment espagnol depuis qu’on a déménagé en Amérique, en dehors d’avec ma famille.

- Ma langue maternelle est l’espagnol et tous les petits surnoms que je viens de dire sont tous en espagnol. Mon cœur, ma vie, mon amour. Mais, si ça peut te faire sourire comme ça, je peux apprendre toutes les langues que tu veux pour que je puisse te chuchoter à l’oreille mille et un surnom d’amour.

Avoir su l’effet que ça lui faisait, j’aurais commencé à parler espagnol devant lui bien avant. Ça n’aurait peut-être pas pris autant de temps avant qu’on s’avoue nos sentiments l’un envers l’autre. Mais, j’ai tellement eu de difficulté à apprendre l’anglais en arrivant ici que j’ai tout fait pour améliorer mon niveau. Aujourd’hui, je peux dire avec fierté que je suis parfaitement bilingue malgré un léger accent espagnol qui se fait entendre. C’est à mon tour de sourire grandement, comme l’amoureux idiot que je suis, à la simple mention de ses deux petits mots. Ce ne sont pas les trois petits mots, mais c’est tout comme. Je connais mon Clay et je sais que c’est l’équivalent, que ça veut dire ça alors j’en suis heureux. Très heureux. Je lui vole même un court baiser, mais tout autant passionné en réponse.

Puis, la conversation devient sérieuse. Tellement que j’en perds mon sourire au profit de mon cœur brisé face à l’image qui me hante encore. Pourtant, je n’arrive aucunement à lui en vouloir. Comment je pourrais être aussi froid et sans sentiment de tout façon ? Clay allait mal – va mal ? – alors comment je pourrais lui en vouloir d’avoir tenter d’arrêter de souffrir par tous les moyens possible ? Puis, il est encore là, c’est l’important. J’encadre son visage de mes mains et viens caresser ses joues de mes mains en même temps que j’embrasse son front tendrement.

- Ce n’est pas grave. Personne ne t’en veux. On est tous content que tu sois encore là.

Je le regarde avec conviction. Puis, je lui embrasse le bout de son nez avant de venir l’encercler de mes bras pour le coller contre moi, son visage contre mon cou.

- Dès que tu sors d’ici, on va où tu veux. Le temps que tu veux. On fera tout ce que tu veux. Tant que je suis avec toi, tout me sera parfait. Puis, je te ferais tendrement l’amour à tous les jours pour te montrer à quel point je t’aime.

Je lui murmure contre sa tempe suivi d’un baiser alors que je caresse son dos.

J’ai souvent tendance à oublier que lui aussi n’a pas grandi ici, on n’est finalement pas si différent l’un de l’autre. C’est assez fou quand même, tout ce temps à essayer de ne pas le regarder, de ne pas être trop proche, pour que finalement il ressente la même chose pour moi. Je trouve ça beau d’un côté, même si on a été un peu idiot, l’un et l’autre, mais mieux vaut tard que jamais. Je le regarde et lui fait un petit sourire.

« Tu pourras m’apprendre ? J’étais très mauvais en langue, j’étais très mauvais tout court à l’école … »

Oh que oui, j’ai même été viré de mon lycée avant le bac, je ne l’ai jamais eu et je n’ai jamais fait d’études après, je n’ai aucuns diplômes et pourtant j’ai quand même un beau métier, enfin j’ai … j’avais, je ne sais plus et inévitablement les images de l’accident me reviennent. Comment j’ai pu reprendre le volant ? Je ne sais pas vraiment, l’adrénaline, l’envie de me surpasser, pourtant je sais que je le vois toujours quand je suis au volant. Je ne sais pas tellement à qui en parler sans qu’on ne me prenne pour un fou. Il me dit que personne ne m’en veut, mais je sais que c’est faux.

« Moi je m’en veux … je savais que je n’étais pas prêt … je le vois tout le temps … »

Je ne lui ai jamais dis ça. Je n’ai jamais osé le dire. Il me dit qu’on ira ou je veux et je le regarde avant de lui dire :

« Je n’ai pas trop envie de retourner chez moi je … J’ai planqué pleins de … bouteilles … je … je ne pensais pas que c’était si … enfin … »

Je ne pensais pas réellement que c’était à ce point. Je ne sais pas si je veux retourner là-bas, parce que c’est là ou je l’ai vu mourir aussi, peut-être qu’inconsciemment ça me travail aussi beaucoup.

Je n’arrive pas à croire que je le serre dans mes bras. Que je peux l’embrasser autant que je veux. Qu’il m’aime aussi ! Je suis fou de joie depuis que j’ai lu ses mots. En fait c’est plus compliqué que ça. Oui, j’en suis tellement content et soulagé. J’aurais pu en sauté de joie si je ne venais pas de sauver Clay de la noyade. S’il ne venait pas de tenter de s’enlever la vie. Et s’il n’avait pas été placé dans ce centre de malheur. Ne pas pouvoir le voir chaque jour, ne pas pouvoir rester avec lui autant que je le veux, ça me tue. Et encore plus en voyant dans quel état cet endroit le met. Et, si c’est possible, encore plus aujourd’hui en apprenant tout ça. Pourtant, je tente de garder le sourire pour lui donner la force et l’espoir de tenir encore un moment le temps que je convainque Clara de faire sortir son frère d’ici. Et le voir sourire, même si c’est faiblement, ça me réchauffe tout le corps alors je continue dans cette lignée. Et je réponds à son sourire et à sa question par un grand sourire.

- Ça me fera plaisir, mi corazon. Tu vas voir, je vais être un excellent professeur avec des méthodes excellentes pour te motiver à rester concentrer, lui dis-je avec un air coquin alors que ma main caresse sa joue, puis son torse avant de venir encercler sa taille pour le coller un peu plus contre moi. On pourra même aller en Espagne ! Je pourrais te faire visiter ma ville natale !

Je suis pressé qu’il sorte d’ici. J’ai hâte de faire vivre notre relation réellement et non pas entre quatre murs d’hôpital ni le temps d’une courte visite. J’ai envie de lui montrer que la vie peut être belle encore. Que son frère ne voudrait pas qu’il reste dans son mal-être comme ça. Après tout, Charles a tout fait pour tenter de me convaincre de tout lui dire. Alors lorsqu’il m’avoue tout ça, j’ai le cœur qui se fend de douleur. Il m’avait dit qu’il avait vu Charles avant de démarrer le jour de la course, mais pas qu’il le voyait tout le temps. J’emprisonne son visage entre mes mains, puis, après lui avoir embrasser le front, je plonge mon regard dans le sien et je tente de… de le réconforter ? Rassurer ? Je ne sais pas trop.

- Il ne faut pas Clay. Clara ne t’en veut pas. Je ne t’en veux pas. Je ne sais pas pour ta petit sœur, je ne lui ai pas parlé. Je suis même sûr que Charles ne t’en veut pas. Au contraire, je suis fier de toi. Tu as tenté de surpasser ta peur. Ça ne s’est peut-être pas passé comme tu le voulais, mais c’est déjà un pas énorme. Je ne suis pas psy, mais je crois que le fait que tu vois Charles tout le temps est juste la manifestation de ta culpabilité. Je vais tout faire pour te sortir d’ici au plus vite, s’il le faut, je vais te faire sortir en douce. Et je vais te trouver le meilleur psychologue pour t’aider à surmonter ton deuil et ta culpabilité, d’accord ?

Je voudrais tellement prendre son mal pour retrouver le Clay que je connaissais avant le décès de Charles. Je ferais tout pour qu’il soit heureux à nouveau. Puis, il m’avoue qu’il ne veut pas retourner chez lui, qu’il a planqué pleins de bouteilles partout alors que je lui parle de voyages. Je lui fais un tendre sourire alors que je lui caresse la joue amoureusement.

- Alors tu viendras chez moi. Et quand tu te sentiras près, tu me feras la liste de toutes tes cachettes et je la donnerais à Clara pour qu’elle les vide. Rendu là, tu pourras décider si tu veux rester chez moi ou si tu veux retourner chez toi. Puis, si c’est pour Charles alors… On trouvera une solution avec un psy. Mais saches que tu seras toujours et aussi longtemps que tu le veux le bienvenu chez moi.

Je viens l’entourer de mes bras pour le coller contre moi. Je sens les minutes s’écouler bien trop vite. Je ne veux pas quitter Clay déjà. Je ne sais pas quand on me laissera le voir à nouveau. Je ne peux pas le laisser comme ça.

- De quoi tu as envie de parler avant que je doive partir, mon amour ? Tu veux que je te rassure sur un autre sujet ? Sur à quel point je suis fou amoureux de toi et que j’ai envie de faire brûler cette bâtisse pour le mal qu’elle te fait ? Dis-moi et je vais te rassurer.

J’espère qu’il ne les croira plus maintenant sur le fait que je ne l’aime plus puisque je suis complètement fou amoureux de lui. Pour toujours.